La question des mesures inexécutées est dramatique. La protection de l'enfance repose sur un écosystème ou une chaîne ; lorsqu'un maillon dysfonctionne, c'est toute la chaîne qui s'effondre. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, lorsqu'un juge des enfants prononce une mesure en milieu ouvert, celle-ci est mise en place en moyenne quatorze mois après avoir été prononcée. Certaines mesures peuvent être mises en place six mois après, d'autres deux ans après, ce qui n'a plus de sens. Je pourrais vous raconter de nombreuses histoires concrètes d'enfants victimes de violences familiales qui finissent en placement d'urgence simplement parce que la mesure n'a pas été exécutée. Il serait pertinent d'examiner les décisions qui restent inexécutées. Cela varie selon les départements. En Seine-Saint-Denis, par exemple, ce sont principalement les mesures de milieu ouvert et le placement à domicile qui posent problème. Les placements, en général, sont exécutés, en particulier les placements d'urgence. Cependant, dans d'autres départements, certains juges des enfants connaissent cinquante ou soixante situations de placements inexécutés, ce qui est extrêmement grave. Il serait intéressant d'analyser ces situations.
Le département pilote certains dispositifs et contrôle l'organisation des placements, mais il n'exerce pas ce contrôle sur les associations d'AEMO. Comment garantir un recrutement adéquat alors qu'il existe des difficultés de recrutement dans certains secteurs ? Par exemple, l'AEMO intensive rencontre moins de difficultés de recrutement que l'AEMO classique, cette dernière faisant l'objet d'une perte de sens des professionnels. Il est important d'étudier ces questions de manière approfondie, au-delà des simples chiffres, pour comprendre comment se construit une politique de protection de l'enfance au niveau local. À Bobigny, le taux de placement a augmenté d'une année sur l'autre par rapport à la part des mesures de milieu ouvert. La part de mesures d'investigation a également augmenté. Nous cherchons à explorer des alternatives au milieu ouvert, car les délais d'attente sont trop longs et nous savons que cela ne fonctionne pas. Nous finissons par adopter des mesures en fonction de leur disponibilité plutôt qu'en fonction des besoins réels de l'enfant. Ce système devient incohérent, d'où l'importance de comprendre où se situe le problème. Cela nous permettra peut-être de déterminer où concentrer nos efforts.
Alors que nous évoquons la revalorisation du travail social, la meilleure rémunération et la reconnaissance du travail des éducateurs, il faut noter que les agences d'intérim d'éducateurs ne rencontrent pas de difficultés de recrutement, contrairement aux services d'AEMO. De même, les lieux de placement qui fonctionnent bien ne connaissent pas de problèmes significatifs de recrutement. Il est donc essentiel de réfléchir également à cet aspect.