Je vais aborder la question de la subsidiarité. Vous mentionnez une moyenne nationale de 82 % de mesures judiciaires, mais ce chiffre varie entre 56 % et 95 % selon les départements, ce qui reflète des situations sensiblement différentes. Certaines régions, comme la Bretagne, sont plus déjudiciarisées. Cela ne s'explique pas par une plus grande coopération des familles dans certaines zones par rapport à d'autres, mais plutôt par des pratiques et des cultures professionnelles différentes. Ce n'est pas seulement une question de départements, mais aussi d'institutions judiciaires, car nous avons un rôle à jouer. Personnellement, je suis une fervente partisane de la subsidiarité car elle permet de responsabiliser les familles. Lorsqu'un parent est prêt à collaborer et à recevoir de l'aide, je ne vois pas pourquoi je devrais prendre la décision à sa place. Travailler avec les parents dans ces conditions est vraiment intéressant. Si, malgré tout, le parent n'a pas été capable de prendre la décision ou de comprendre les difficultés qui lui sont reprochées, et que le juge des enfants doit intervenir, il est important de reconnaître son évolution. Même s'il a encore besoin d'aide, il est essentiel de lui signifier qu'il a progressé et qu'il a repris possession de son autorité parentale. Cela peut être un levier pour la participation d'un parent qui prend conscience des besoins de son enfant et de son propre besoin d'aide.
J'ai eu l'opportunité de travailler dans deux départements, notamment en Seine-Maritime, où les inspectrices étaient favorables à la subsidiarité. Nous avons connu des expériences positives. À plusieurs reprises, lors d'audiences de renouvellement de placement, l'inspectrice m'a suggéré de passer à un accueil provisoire en raison de la bonne collaboration de la famille. J'ai ainsi déjudiciarisé des placements pour les transformer en accueils provisoires, et cela s'est très bien déroulé. La famille était partante et l'enfant n'était plus au centre d'un conflit sur les modalités de sa prise en charge. Il y avait une forme de co-construction et de co-éducation entre la famille d'accueil et le parent. Les enfants étaient plutôt équilibrés dans cette situation, sans souffrance. Je n'étais alors pas utile. Lorsqu'on arrive aux audiences et que tout le monde est d'accord sur les modalités – l'enfant, le parent, l'ASE – cela se passe bien.
Une difficulté réside dans la manière dont les départements organisent les mesures administratives. Dans les deux départements où j'ai travaillé, les mêmes services étaient habilités pour l'administratif et le judiciaire, notamment en milieu ouvert. Cela permet, par exemple, lorsqu'une famille bénéficie d'une mesure d'aide éducative à domicile qui ne fonctionne plus de manière satisfaisante, de judiciariser la situation. Surtout, en fin de parcours, lorsque la situation évolue positivement, que la famille est partante pour continuer le travail avec l'éducateur, que les éléments de danger se sont atténués mais qu'il est encore trop tôt pour cesser toute mesure, on peut alors repasser à une mesure administrative et décider que la présence du juge n'est plus nécessaire. Cela a des conséquences sur le nombre de dossiers traités.
Dans les deux départements où j'ai exercé, un travail considérable a été réalisé par le parquet pour instaurer des mesures avec les familles qui collaboraient, ce qui n'était pas toujours le cas. Il ne s'agissait pas seulement d'attendre qu'une famille envoie un courrier recommandé pour demander une mesure, mais de proposer activement ces mesures et de les faire signer par les familles. Le nombre de mesures judiciaires a ainsi diminué. Avec moins de dossiers, le juge peut se concentrer davantage sur les cas compliqués et mieux respecter les délais, sous réserve que le président du tribunal ne lui impose pas d'autres tâches annexes. Les deux parts, administrative et judiciaire, du travail du juge doivent être reconnues. En effet, plus il y a d'administratif, plus les dossiers sont complexes, notamment pour le juge des enfants. Récemment, dans la Loire, le filtre mis en place par le parquet s'est renforcé : malgré une augmentation de 30 % des procédures et des informations préoccupantes (IP) dans tous les départements, nous avons perdu chacun une centaine de dossiers au tribunal pour enfants. Lorsque le filtre est efficace et qu'une véritable politique de subsidiarité est mise en œuvre, le recours au judiciaire diminue, produisant un effet tangible.