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Intervention de Muriel Eglin

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 18h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Muriel Eglin :

Pour revenir sur l'intensité de l'intervention, il est évident, lors des audiences, que les familles reconnaissent les bénéfices d'une intervention plus intensive. Elles se sentent aidées, écoutées, soutenues et constatent des effets concrets dans leur quotidien, notamment dans l'accompagnement des démarches. Cela leur redonne confiance en elles et dans le travail effectué, permettant ainsi de surmonter les difficultés. Cette approche est bien plus efficace qu'un entretien mensuel, comme cela se faisait classiquement dans l'AEMO, avec des techniques de travail différentes. Certaines situations familiales peuvent progresser avec ce type d'approche classique, notamment car cela rappelle le cadre judiciaire, mais cela devient de moins en moins fréquent. Il est clair que plus l'intervention est soutenue, multifactorielle et construite autour des besoins spécifiques de l'enfant et des ressources ou des manques de la famille, plus elle est efficace et permet des interventions plus courtes.

Il est également essentiel de savoir s'arrêter, car des interventions trop longues peuvent devenir contre-productives. En tant que travailleur social, lorsqu'un lien est établi avec une famille et que l'on se sent utile, dire au revoir n'est pas facile. Cependant, cela doit être envisagé dès le début du parcours et vécu comme une victoire pour tous lorsque la porte se ferme. Il est toutefois nécessaire que les services de droit commun, de soutien et d'accompagnement, qui seront indispensables car les difficultés ne disparaîtront pas d'elles-mêmes, soient disponibles. Un accompagnement par le service social ou la protection maternelle et infantile (PMI) doit être accessible pour prendre le relais d'une mesure judiciaire. Or ce n'est pas toujours le cas et nous observons de nombreuses situations dans lesquelles les mesures se prolongent simplement parce que les autres institutions censées répondre aux besoins de l'enfant ou de la famille ne sont pas présentes. Cela concerne également le logement, l'école et la santé. C'est pourquoi nous proposons que les enfants bénéficiant d'une mesure de protection de l'enfance soient prioritaires pour bénéficier des mesures liées aux autres politiques publiques, y compris celles de l'État.

Concernant le placement à domicile, la Cour de cassation a récemment rendu un avis sur une mesure de placement à domicile qu'elle a jugée comme relevant en réalité du milieu ouvert. Nous devons nous interroger sur la nature du placement à domicile et sur la répartition des responsabilités qu'il implique. Ce type de placement, qui n'en est pas véritablement un, soulève la question de la frontière entre une intervention très intense et le transfert de responsabilités concernant la prise en charge de l'enfant. Il est vrai qu'il peut exister une confusion entre une AEMO intensive, renforcée par des possibilités d'hébergement ponctuel, et un placement à domicile sans solution de répit ou de repli. Il est nécessaire de se réunir pour réfléchir à cette problématique. L'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE), qui a réalisé une étude sur ce sujet, nous y invite.

Il est essentiel de noter qu'en cas de placement, les obligations du conseil départemental diffèrent considérablement vis-à-vis de l'enfant. En effet, lorsqu'un enfant est confié en placement au conseil départemental, ce dernier a l'obligation de répondre globalement aux besoins de l'enfant. En revanche, lorsque l'enfant est pris en charge au titre d'une mesure en milieu ouvert, il n'est pas tenu de satisfaire l'ensemble des besoins de l'enfant. Je pense que c'est aussi pour cette raison que, lorsque le placement à domicile permet de répondre aux besoins de santé et de scolarité de l'enfant, parce que le conseil départemental y pourvoit, cette solution est retenue au détriment, peut-être, d'une intervention plus intensive. Cela questionne, d'une part, la priorité à accorder aux enfants protégés, y compris en milieu ouvert, pour l'accès aux soutiens des politiques publiques de l'État et, d'autre part, la notion de prise en charge globale. Ne devrions-nous pas partir des besoins de l'enfant pour définir une prise en charge, en fonction des ressources et des possibilités des parents, qui sont nécessairement évolutives ? Le degré d'intervention du département ou des associations mandatées s'adapterait à ces possibilités. C'est peut-être cela qui permettrait d'apporter une clarification. En tout cas, l'intensité de l'intervention, dès lors qu'elle est construite sur des constats précis des besoins de l'enfant et qu'elle n'est pas standardisée, est très utile et bénéfique pour l'enfant et la famille.

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