C'est une très bonne question. Nous avons tous eu affaire à de la mauvaise volonté, qui peut emprunter trois ou quatre visages différents. Il peut s'agir, tout d'abord, d'une absence de réponse. Cette réaction est toujours difficile à gérer, surtout pour un chercheur résidant en Polynésie. En outre, s'il est question du DSCEN, nous n'avons pas librement accès au site. Nous n'avons donc aucun moyen de nous plaindre, et nous sommes tenus de suivre des procédures complexes.
La mauvaise volonté peut aussi prendre l'aspect de la fausse modestie ou de l'incompétence : l'interlocuteur s'excuse de sa piètre connaissance des fonds, et déclare qu'il n'est pas en capacité de vous répondre.
Nous sommes aussi confrontés à des stratégies dilatoires : la réponse peut mettre plusieurs mois à nous parvenir. Je dois parfois patienter près d'un an et demi pour obtenir une réponse à une demande de cote très précise, alors que pour un site d'archives bien tenu, le traitement d'une telle demande prendrait 2 minutes et demie…
Le service peut aussi jouer la carte de la culpabilité, en m'expliquant que des plaignants ayant besoin d'informations pour pouvoir défendre leur dossier auprès du Civen sont prioritaires par rapport à moi. Je comprends bien qu'ils soient prioritaires, mais je me demande s'il ne serait pas possible d'assurer toutes les missions de publication des données.
Quant à la DAM, je pourrais citer des exemples presque comiques de mails restés sans réponse, ou de demandes rejetées au motif que « je ne travaille plus dans le service ». Il est déjà arrivé que par inadvertance, je reçoive un mail contenant l'avis de la responsable, validant le principe de clore ma demande.
En tant qu'historien, je n'affirme pas qu'il soit impossible d'écrire l'histoire du CEP. D'ailleurs, nous nous y attelons, notamment en préparant des articles et ouvrages sur le sujet.
La suspicion est inévitable, dès lors que des secrets et des mensonges ont été révélés. Mais mon rôle devant votre commission d'enquête consiste à vous présenter un état à froid des archives ouvertes ou restant inaccessibles. Il est évident que la table ronde de juillet 2021 a eu un impact considérable. Nous disposons désormais d'une masse considérable de données ouvertes, qui nous permet de comprendre beaucoup de choses. Le SHD ou les archives diplomatiques ont pleinement joué le jeu ; je ne suis pas non plus complotiste, et je ne pense pas que je trouverai un jour un document détenu par la DAM qui changera absolument tout… Je dis simplement que l'engagement du Président de la République est appliqué par certaines administrations, mais pas par d'autres.