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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 15h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l'élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des français

Gilles Carrez, président du Conseil national d'évaluation des normes :

Peut-on faire défaut ? La réponse est non, en tout cas pas à l'horizon 2027, pour toutes sortes de raisons et d'abord du fait de l'euro. Mais le sujet n'est pas là. Le problème, c'est que les taux d'intérêt augmentent et que le spread peut aussi augmenter, même s'il reste remarquablement stable. L'indicateur, pour moi, c'est vraiment l'écart de financement par rapport à l'Allemagne : on est peut-être à 40 ou 50 points de base. Merci l'euro : il faut se le répéter tous les jours. Mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de risque de défaut qu'il n'y a pas d'effets pervers moins visibles par ailleurs, qui se manifestent par une perte de souveraineté au sein de l'Union européenne.

Non, nous ne pouvons pas nous permettre de diminutions d'impôt. Mais ce qu'on voit sur le temps long, c'est que toutes les baisses d'impôt qui ont pu être faites n'ont pas permis d'aller substantiellement en dessous des 45 % du PIB. Notre système fiscal est très progressif et s'il n'y a pas régulièrement une sorte de soupape d'évacuation de la pression fiscale, si on laisse les choses en l'état sans jamais faire de baisse d'impôt, on va monter à 46, 47, 48 et on sera rapidement à 50 %. Il faut penser les baisses d'impôt par rapport à la structure de notre fiscalité d'État, qui ne fait que progresser. Prenons les collectivités territoriales : la réévaluation des bases a été de 7,1 % l'an dernier et elle sera de 3,9 % cette année, ce qui suffit largement. Et pourtant, certaines collectivités ont rehaussé leur taux d'imposition.

La difficulté, c'est qu'il y a une telle disparité entre les collectivités territoriales qu'on ne peut porter sur elles que des jugements macroéconomiques, qui leur sont d'ailleurs plutôt favorables. Elles ne représentent que 8 % de la dette publique, contre 16 ou 17 % en 1993. Cela s'explique par toutes les raisons que j'ai déjà évoquées, notamment le fait que l'État a pris en charge une partie de la fiscalité locale, mais si l'on remonte plus loin dans le passé, jusqu'au début des années 1980, on constate que l'endettement local a connu une stabilité assez impressionnante, et je me demande si la règle d'or n'a pas joué. Une collectivité territoriale ne peut emprunter que pour investir, puisque son épargne brute doit couvrir à la fois les intérêts, en section de fonctionnement, et le capital, en section d'investissement. Je crois quand même à quelques règles de bonne conduite. On pourrait se dire que cette règle astreignante a empêché les collectivités locales d'investir, mais ce n'est pas le cas. Si l'on regarde ce qui s'est passé sur le temps long, on voit que l'effort d'investissement a même souvent été contracyclique. En 2013-2014, quand on a voulu relancer l'investissement public parce que la croissance était nulle, on a accéléré le remboursement de TVA et cela a eu un effet : de mémoire, on est passé de 45 à 50 milliards d'investissements. Cette règle d'or est extraordinairement vertueuse et j'espérais que l'on se doterait d'un instrument du même type, à l'allemande, avec nos lois de programmation pluriannuelle.

Quels leviers actionner ? S'agissant des comptes sociaux, je peux prendre l'exemple des arrêts maladie, que la Cour des comptes a évoqués. Je ne comprends pas que, lorsqu'on constate une dérive de la dépense dans un secteur, il n'y ait pas immédiatement des mécanismes correcteurs, prévus à l'avance, par exemple un ajustement à la baisse de l'indemnisation, pour juguler cette envolée qu'on ne contrôle pas. Je pense qu'il faut réfléchir à cela.

Ce que j'ai voulu montrer, c'est que le problème de la dette est caractérisé par une grande continuité, mais que la situation est beaucoup plus préoccupante aujourd'hui. À partir du moment où on bascule en taux d'intérêt croissant, cela a un effet tellement massif que le Gouvernement, et même le Président de la République, devraient rappeler en permanence que la dette est un problème.

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