C'est pour moi aussi un grand plaisir de retrouver Gilles Carrez et de l'entendre partager sa grande expérience. Je me souviens également du temps que nous avons passé ici ensemble. Depuis le début de nos auditions, j'ai parfois l'impression que le ronronnement de paroles très lisses et très contrôlées nous empêche d'aller au fond des choses. Je compte donc sur sa liberté absolue de parole pour nous donner un maximum d'éléments.
J'ai eu peur, au début de votre intervention, d'entendre ce discours de résignation face à l'augmentation de la dépense publique : l'inflation et les crises ne laisseraient aucune marge aux choix politiques. Cela me désespère, mais, vous l'avez bien vu sur le long terme, seule une partie de l'augmentation est due à ces éléments. La dégringolade de l'échelle des salaires de fonctionnaires n'est pas neutre, et on voit de plus en plus de dispositifs juxtaposés les uns aux autres. Vous avez cité le pass culture, on pourrait également citer le renflouement de la SNCF – j'y étais personnellement opposé, on voit maintenant ce que cela donne –, la fermeture et la réouverture de la centrale à charbon de Carling Saint-Avold, l'annonce de la fermeture de quatorze centrales nucléaire avant la relance du développement du nucléaire. On voit bien qu'il y a quand même des choix politiques et que l'État – nous avons parlé du pass culture, mais je pense également au service national universel (SNU) ou à la réparation des textiles et des appareils – prend en charge une partie croissante de plusieurs aspects de nos vies. J'ai l'impression que tout cela est un peu mis de côté.
Je constate également que, alors que l'Europe se trouvait en 2017 dans un cycle haut de croissance, la trajectoire de nos voisins n'est pas la même : fort désendettement avant le covid et endettement moindre pendant le covid. Cette différence s'explique par des choix politiques, qui peuvent être remis en cause, et pas simplement par l'inertie des marchés financiers ou de la trajectoire de la dépense publique.
La Cades remplit parfaitement sa mission – nous avons d'ailleurs auditionné son président – mais elle était censée être temporaire. Nous avons devant nous un accroissement des déficits sociaux alors que la Cades arrive au bout des crédits qui lui ont été confiés. Nous allons donc sans doute, avant la fin du mandat, devoir voter une loi pour lui céder davantage de dettes sociales. Jusqu'où pourrons-nous aller quand on voit les montants mobilisés par la vieillesse ou la santé – les hôpitaux ont dû être renfloués en fin d'année de plusieurs dizaines de millions d'euros ? La trajectoire des dépenses n'est-elle pas hors de contrôle ?