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Avant la crise des gilets jaunes, je me souviens d'un programme dont l'objectif était de diminuer de 120 000 le nombre d'emplois publics – 70 000 côté collectivités territoriales et 50 000 côté État. Il a été immédiatement abandonné alors que 17 milliards de taxes d'habitation étaient supprimés. Les dépenses ont donc augmenté par rapport à la prévision alors que les recettes, qui diminuaient fortement, ont dû être compensées, ce qui équivaut à une dépense. Ces deux mesures ont créé 15 à 20 milliards de déficit. Bien d'autres mesures ont été prises au cours de la période 2017-2019 et je n'ai pas eu le sentiment qu'un véritable effort sur la dépense ait été fait.
À partir de 2019, après la crise des gilets jaunes, on a lâché énormément. La prime Macron, par exemple, est une bonne idée, nous étions d'ailleurs allés un peu dans ce sens, mais l'exonération de cotisations sociales fait un trou de l'autre côté, dans le budget de la sécurité sociale, si elle n'est pas compensée. Or la compensation pèse sur le budget de l'État.
Avant d'aborder la Cades, je vais répondre à votre troisième question. La dette est de 3 100 milliards, dont 2 600 pour l'État, 250 pour les collectivités territoriales et 260 pour la sécurité sociale. L'État porte tout car il joue un rôle de chambre de compensation : petit à petit, il a pris à sa charge les cotisations sociales et les impôts locaux. Si je prends uniquement en compte la période pendant laquelle j'ai siégé à l'Assemblée nationale, l'État a pris en charge dans son budget les baisses d'impôts locaux, consenties à coups de dégrèvement et d'exonérations, pour un montant que j'estime entre 80 et 100 milliards – c'est une estimation au doigt mouillé, il faudrait faire le calcul, mais je ne dois pas être loin.
Quand je suis arrivé ici en 1993, avec Charles de Courson, nous avons immédiatement voté de nouvelles règles pour le plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, mis en place en 1989. Ce plafonnement coûta 1 milliard la première année, mais, avec le nouveau plafonnement à 3,5 % de la valeur ajouté à taux glissant, il coûta 20 milliards en 1993 car lorsque la collectivité locale augmentait son taux, ce n'était pas le contribuable local qui payait, mais l'État.
Ensuite, la séquence a été rapide : baisses d'impôt décidées par Laurent Fabius, suppression de la taxe d'habitation régionale, réforme de 2010 de la taxe professionnelle qui lui substitue la contribution foncière des entreprises (CFE) et la CVAE – soit 10 milliards de recettes en moins pris en charge par l'État –, suppression de la taxe d'habitation – 17 milliards –, suppression de la CVAE.
J'ai présidé pendant longtemps le Comité des finances locales et je me souviens avoir entendu les élus locaux, réunis dans les assemblées départementales de maires, se plaindre d'un État incapable d'équilibrer ses comptes alors qu'eux géraient magnifiquement bien leurs comptes. Je leur faisais alors remarquer que, dès que l'impôt local faisait mal, l'État venait à la rescousse.
Il s'est passé exactement la même chose avec les comptes de la sécurité sociale. La loi Veil de 1994 a instauré le principe de la compensation. Je me suis battu autant que j'ai pu pour que l'État ne soit pas dépouillé de la TVA, sa principale recette. On a malheureusement depuis branché des tuyaux de TVA. Le premier a été celui de la TVA sur les médicaments. Nous avons essayé de nous y opposer, mais cela semblait tellement logique que la TVA sur les médicaments soit attribuée à la sécurité sociale. Après cela, nous avons vu les exonérations et les 35 heures. Il est donc très facile de critiquer l'État, mais il ne faut oublier qu'il porte tous les fardeaux fiscaux et les exonérations de cotisations sociales.
Vous avez raison, il faut davantage de transparence. J'ai parcouru rapidement le rapport d'Éric Woerth. J'ai beaucoup apprécié son approche. Elle ne plaira pas aux associations d'élus locaux, mais il a raison : une gouvernance d'ensemble, qui passe par des lois pluriannuelles, est nécessaire. Les élus locaux ne peuvent pas se contenter de rejeter la faute sur l'État. Personne ne peut rester dans son compartiment.
La Cades est une bonne mesure. Elle a permis d'identifier la dette et, ainsi, de se donner mauvaise conscience car une dette contractée pour construire un hôpital, qui va servir pendant plusieurs générations, n'équivaut pas à une dette contractée pour payer des médicaments.
Je constate une grande continuité des exécutifs qui se sont succédé depuis trente ans dans la gestion de la dette publique. Les reports d'échéance de la Cades ont en effet été décidés par des gouvernements de droite comme de gauche, mais je constate une forte accélération depuis 2017, que je n'ai jamais connue en trente ans. L'impact de la crise sanitaire a sans doute été énorme, mais je trouve que la dette publique est encore plus passée au second plan depuis 2017. Si les choses peuvent être remises d'équerre, nous nous en réjouirons tous.