La dette publique induit des effets redistributifs divers selon que l'on s'intéresse aux contreparties financières ou aux contreparties non financières.
Du côté des contreparties financières, tout dépend en réalité du niveau des taux d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt sont élevés, il est alors nécessaire de puiser fortement dans les impôts pour rémunérer la dette publique par les taux. Dans ce cas, la redistribution s'effectue depuis l'ensemble des contribuables vers les détenteurs de la dette publique, qui sont en moyenne ceux qui disposent d'une richesse financière élevée. Cela n'est pas le cas actuellement, puisque nous vivons encore une période de taux d'intérêt – et donc de charges d'intérêts – relativement modestes, qui nous permet de soutenir un volume d'émissions très élevé. L'effet anti-redistributif, purement financier, par la dette, est donc très limité. Cet argument est parfois mobilisé dans les débats, mais je pense qu'il n'est pas pertinent.
Ensuite, les contreparties non financières de la dette concernent des aspects que l'on pourrait qualifier de « réels ». Les contreparties de la dette publique ne sont pas simplement une collection de dépenses, notamment fiscales, mais également un ensemble de choix de politique économique : la dette à moyen et long terme reflète cette politique économique et ses effets sur la solidarité nationale, la qualité du système de soins ou le niveau de l'emploi. Ces effets ne peuvent pas être caractérisés globalement ; ils dépendent des époques et des échéances retenues.
La dette générée lors de la période de crise a globalement permis de limiter la casse, notamment pour les fractions les plus modestes de la population. Ensuite, l'évolution à long terme des inégalités pourrait être envisagée comme une forme de mesure, de proxy, pour apprécier la qualité d'une politique économique en termes de solidarité nationale. Mais il faudrait également doubler cet indicateur par l'évolution en termes d'emploi, mais aussi, pourquoi pas, de la qualité de ces emplois.