Au-delà des aspects purement comptables, la discussion doit également porter sur les divergences de dynamique entre les pays européens, en termes de ratio de dette publique sur PIB, en particulier entre l'Allemagne et la France. Ces pays disposaient ainsi de ratios similaires jusqu'en 2009, avant de diverger pour les raisons évoquées par M. Ragot. Entre deux épisodes de crise, le ratio tend à augmenter en France, quand il diminue en Allemagne. La raison relève de la singularité de nos modèles de croissance. Comme l'a indiqué mon collègue, le modèle allemand est fondé sur l'importation de la croissance des autres.
La France, en lien avec ses voisins, doit s'interroger pour améliorer les perspectives de croissance à long terme dans l'ensemble de la zone euro et atténuer l'écart croissant qui se creuse face à l'économie des États-Unis. Ce pays a fait le choix d'augmenter considérablement ses investissements à long terme et donc son potentiel de croissance ainsi que sa capacité à soutenir ses finances publiques à long terme. La zone européenne connaît de son côté une trajectoire de croissance beaucoup plus lente, associée à un niveau d'investissement beaucoup plus modeste, ce qui interroge par ailleurs sur notre capacité à transiter vers une économie moins consommatrice d'énergie.
S'agissant de l'appréciation de la dette en valeur ou en pourcentage du PIB, je partage la réponse de M. Ragot.
Ensuite, quel aurait été le coût pour les finances publiques d'une absence de réponse ou d'une réponse moindre de la part de l'État face aux crises sanitaire et énergétique ? On peut imaginer qu'il aurait été probablement très élevé, puisque la chute considérable de l'activité aurait entraîné la chute des recettes fiscales.
Le rôle de l'euro comme vecteur de stabilisation de la charge d'intérêt reste très ambigu. Pendant une première période, jusqu'en 2009, l'euro a sans doute joué un rôle sur la baisse des taux d'intérêt. Mais sur la longue période, la France était inscrite dans une trajectoire de baisse des taux depuis le début des années 1990. Je ne suis donc pas sûr que l'économie française ait autant bénéficié que d'autres économies de cet effet euro, qui me semble plus favorable sur l'inflation que sur les taux longs.
Nous vivons une situation contradictoire bien connue depuis les années 1990. Nous ne sommes plus souverains sur notre monnaie. Comment agir, dans ce cas, pour nos budgets publics, la planification longue, les projets d'investissement et la croissance de l'Europe ? J'ai le regret de constater que la croissance de l'Europe est en train de s'éroder très profondément.