Les comparaisons internationales sont extrêmement délicates, chaque cas étant assez singulier. Les États-Unis pratiquent désormais un jeu complètement différent. Je pense que nous sous-estimons le changement de paradigme international lié au choix de la politique budgétaire des États-Unis, qui décident volontairement de réaliser 8 % de déficit. À la lumière de ces éléments, il faut repenser l'architecture de la dette publique européenne.
À l'autre extrême, parmi les grands pays, l'Allemagne constitue un cas singulier. Sa dette publique est de l'ordre de 65 % du PIB et elle a réussi à gérer les crises avec un endettement minimal. Comment y est-elle parvenue ? L'Allemagne dispose d'un excédent de sa balance commerciale, à hauteur de 6 %, contre 2 % par exemple pour la France. Quand la situation est mauvaise, l'Allemagne ne demande pas de l'argent aux contribuables, car le reste du monde (la Chine, les États-Unis), qui a un autre cycle économique, soutient la demande allemande. L'insertion internationale puissante de l'Allemagne lui permet donc de se passer des mécanismes de soutien à la demande nationale de type keynésien. Cependant, compte tenu de la crise énergétique et des barrières tarifaires, l'Allemagne devra aussi changer de paradigme. De fait, les Allemands sont en train de revoir leur position dure sur la dette publique, y compris dans leur Loi fondamentale.
Il existe donc une hétérogénéité des stratégies de croissance entre d'une part la France, dont la croissance est très liée à sa demande interne et qui a besoin de soutenir celle-ci en phase de récession ; et d'autre part l'Allemagne et les pays du Nord liés à la structure commerciale allemande, qui utilisent un autre modèle. Je pense que les différents modèles européens sont aujourd'hui plutôt en phase de convergence et non de divergence.