Votre première question, principielle, revient à se demander si la dette publique représente un problème. Selon moi, le coût réel d'une dette publique correspond aux charges d'intérêts, soit les impôts nécessaires pour payer les intérêts sur la dette. La question centrale est donc bien le coût budgétaire de la dette publique. C'est d'ailleurs ce qu'ont montré les travaux de Jason Furman et Lawrence Summers. Les impôts qu'il fallait prélever auprès des contribuables pour rembourser la dette représentaient 3 % du PIB dans les années 2000, avec une dette à 60 % du PIB et un taux d'intérêt à 5 %. Aujourd'hui, ce taux n'est que de 1,8 % du PIB. Certes, il faut diminuer la dette, mais il faut se méfier du catastrophisme, contre lequel je lutte. Le taux d'intérêt sur la dette augmente, mais très lentement, puisque la maturité de la dette publique française s'établit entre 8,5 ans et 9 ans. Nous disposons de temps pour réfléchir à la bonne stratégie afin d'équilibrer les comptes publics avec un bon instrument.
Ensuite, quel est le bon montant de la dette publique ? Au regard des données historiques, les économistes estiment que lorsque la dette publique augmente de dix points de PIB, il faut que les taux d'intérêt de la dette augmentent de 0,3 point pour attirer les investisseurs. Depuis 2000, la dette publique est passée de 60 % à 110 %, quand les taux d'intérêt – qui auraient dû augmenter d'un point – ont baissé de deux points. Les taux d'intérêt étaient à 3 % en 2000, contre 1,8 % aujourd'hui. Cela signifie que l'épargne mondiale est tellement importante que les créanciers luttent pour détenir de la dette publique de pays sûrs, dont fait partie la France. Il s'agit là selon moi d'un changement fondamental dans l'équilibre du capitalisme moderne. Si les taux d'intérêt vont légèrement augmenter du fait des besoins d'investissement pour la transition énergétique, ils vont rester entre 2 % et 3 %. En conséquence, il ne faut pas céder à la panique, tout en produisant des efforts pour stabiliser la dette publique.
Par ailleurs, quels sont les montants d'impôts non financés qui expliquent, au-delà du plan de relance, cette dette résiduelle de 50 % ? Le document que nous avons mis en ligne comporte un certain nombre de calculs. Nous avons retenu le programme présidentiel de 2017, qui comportait un ensemble de mesures aboutissant à une stabilisation, voire une réduction de la dette. Nous avons ensuite mis en lumière les mesures additionnelles, essentiellement des baisses d'impôts non financées.
Parmi les mesures figurent la hausse de la taxe carbone, qui n'a pas été mise en place, pour un montant de 11 milliards d'euros ; l'annulation de la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) s'agissant des retraités modestes pour 1,5 milliard d'euros ; la baisse de l'impôt sur le revenu à partir de 2020 (5 milliards d'euros) ; la suppression de la taxe d'habitation pour la tranche la plus élevée des 20 % (8,2 milliards d'euros) ; la baisse des impôts de production (11 milliards d'euros) et l'élargissement supplémentaire de la prime d'activité à partir de 2019 et le mouvement des gilets jaunes (8 milliards d'euros). Au total, ces montants s'élèvent à 40 milliards d'euros, qui expliquent la hausse additionnelle de la dette française par rapport à la contribution additionnelle des crises. Je vous transmettrai ces éléments.