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Intervention de Baptiste Cohen

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Baptiste Cohen, coordinateur national du pôle « Protection de l'enfance » de la fondation des Apprentis d'Auteuil :

Ces questions sont essentielles. Pour l'anecdote, nous avons passé toute la matinée avec l'un des groupes de travail que nous co-animons avec l'association ATD-Quart Monde, portant sur la place des parents en protection de l'enfance. Il nous a fallu deux ans et demi pour créer ce groupe de travail. La question de la place des parents en protection de l'enfance est d'une importance capitale. Premièrement, il est nécessaire de compter. Comme vous l'avez constaté, nous ne savons pas combien de parents sont concernés. Sans cette donnée, il est impossible de mettre en place une politique publique efficace. C'est un véritable problème d'ordre public. Deuxièmement, il faut distinguer. La question que vous posez est légitime. Rien ne nous autorise à privilégier un aspect au détriment d'un autre. La loi et la convention internationale des droits de l'enfant prévoient que l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer. Cependant, cette même convention précise que cet intérêt inclut le maintien de l'enfant auprès de ses parents, sauf lorsque ces derniers sont nocifs. Toute la difficulté réside dans cette nuance. Nous ne sommes pas les seuls à le constater. Nous suivons de près les recherches sur ce sujet dans le cadre de nos travaux menés avec l'ONPE. Le problème est immense. Il se double d'un manque de connaissance entraînant des débats aux allures parfois idéologiques. Comme nous l'avons vu lors des débats législatifs des années passées, les références au familialisme, les positions pour ou contre, etc., n'ont pas lieu d'être. Il existe des éléments de droit importants. Nous vivons dans un État de droit qui précise les droits des parents en tant qu'éducateurs et protecteurs, mais également le droit de la société à protéger les enfants lorsque les parents ne remplissent plus leur rôle.

Nous savons tous, et cela est régulièrement affirmé dans les congrès consacrés à la protection de l'enfance, que l'identification et la clarification des situations posent de grandes difficultés. Les enjeux ne sont pas seulement réglementaires, mais sociaux et éducatifs. En examinant de plus près la situation des parents, notamment en ce qui concerne la pauvreté, il apparaît que cette question est d'une importance capitale. Ce matin encore, au conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), il a été unanimement reconnu que huit parents sur dix sont touchés par la pauvreté et la précarité. Or, la littérature, tant nationale qu'internationale, est très claire sur ce point : la pauvreté et la précarité compliquent considérablement la capacité à réagir adéquatement face à des situations éducatives difficiles. En tissant les liens entre ces différents éléments, il devient évident qu'il est nécessaire d'agir davantage en amont. Contrairement à certaines affirmations, il existe bien une politique de prévention en matière de protection de l'enfance. Ce n'est pas nous qui le disons, mais l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), l'Inspection générale de l'éducation nationale (Igen) et l'Inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Leur rapport de 2019 est très explicite à ce sujet. Nous ne nous concentrons pas suffisamment sur les actions en amont, préférant intervenir en aval, une fois que l'enfant fait l'objet d'une mesure de placement. Il s'agit de comprendre comment nous pouvons anticiper et examiner ensemble les situations, en tenant compte des travaux de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) qui mettent en lumière la gravité des agressions sexuelles intrafamiliales, souvent non détectées, non prises en compte et non prévenues. Il est impératif de porter notre attention sur l'amont. Cela ne signifie pas que nous devons prendre parti, mais qu'il est nécessaire de prendre le temps d'analyser ces situations.

Ce matin, lors de notre discussion avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), nous avons abordé la mise à jour du guide concernant les actes usuels et non-usuels, c'est-à-dire les décisions courantes que les éducateurs, les équipes, les services sociaux et les départements peuvent prendre, ainsi que celles relevant de l'autorité parentale. La loi est très claire à ce sujet, même si la pratique l'est beaucoup moins. Il a été clairement établi que ce guide, qui sera mis à jour en 2024 et qui traite de la répartition des actes relevant de l'autorité parentale ou de l'autorité éducative déléguée, n'aurait pas besoin d'être relu par des parents. Il n'est plus possible de travailler sans intégrer les usagers. Pour repérer les situations dramatiques, il est indispensable d'accepter de dialoguer avec ceux qui ont vécu ces situations ou qui en ont été responsables. Nous devons comprendre ces expériences pour ne pas continuer à ignorer la réalité vécue par les parents. Cela ne signifie pas que nous cherchons à les dédouaner de leurs responsabilités.

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