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Intervention de Thomas Brichard

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Thomas Brichard, directeur de la Mecs Providence-Miséricorde à Rouen :

Les parents des enfants placés sont souvent les grands oubliés des politiques de protection de l'enfance. Bien que certaines situations individuelles soient catastrophiques, et que des liens toxiques puissent exister entre parents et enfants, il est important de souligner que la majorité de ces parents ne sont ni des criminels, ni des délinquants sexuels. Pourtant, nous avons tendance à les percevoir ainsi, les excluant de nos établissements et services de protection de l'enfance, et considérant comme impossible de les accompagner en même temps que leurs enfants. Comme l'a souligné M. Cohen, nous accompagnons souvent des enfants dont le projet est de permettre à leurs parents de retrouver leur capacité à exercer leurs responsabilités éducatives. Bien que peu de recherches ou de statistiques existent sur les parents en protection de l'enfance, l'expérience empirique nous enseigne beaucoup. Accueillir un enfant revient souvent à accueillir son parent, découvrant que celui-ci a souvent lui-même été pris en charge par les services de l'ASE. Ces parents se trouvent fréquemment dans une situation de cumul de difficultés financières, sociales, culturelles et professionnelles, et pour une immense majorité d'entre eux, en situation de monoparentalité. Les carences éducatives vécues et le manque de liens avec leurs propres parents durant leur enfance se reproduisent avec leurs enfants. En fin de compte, le modèle dans lequel ils ont grandi ne leur a pas appris à être parents. Nous sommes convaincus qu'en prenant soin des parents, nous prenons soin des enfants. Nous le constatons et les enfants eux-mêmes en témoignent. Ils souhaitent voir leurs parents, mais surtout ils désirent vivre avec eux. Si ce souhait naturel doit parfois être nuancé par une réalité qu'ils méconnaissent, nous devons néanmoins l'entendre. Certains départements ont mis en place une délégation globale de prise en charge, déléguant aux établissements l'accompagnement des familles, initialement compétence de leurs services.

Nous devons désigner un interlocuteur unique pour les parents, celui qui accompagne leurs enfants au quotidien, les aide à s'endormir le soir en leur racontant des histoires. Il est essentiel d'associer les parents au projet individuel de leurs enfants, de sa création à son évaluation. Ce n'est pas en les excluant qu'ils comprendront. Autant que l'ordonnance de placement le permet, nous devons intégrer les parents à la vie quotidienne de leurs enfants, par exemple, pour les achats de vêtements, les devoirs ou les rendez-vous médicaux. Il est primordial de les laisser accomplir ce qu'ils savent faire et de les soutenir dans leurs difficultés. Ce n'est pas en agissant à leur place qu'ils apprendront. Nous devons également les impliquer dans la vie de l'établissement, les décisions prises lors du conseil de vie sociale, ainsi que dans l'organisation et l'animation des festivités, pour renforcer les liens. Ce n'est pas en les excluant qu'ils adhéreront. Deux conditions sont nécessaires : la proximité géographique des parents et le regroupement d'une fratrie d'enfants placés sur un même site. Les résultats observés convergent vers un même constat, à savoir le mieux-être de l'enfant. On note une diminution du conflit de loyauté pour l'enfant, qui n'a plus à choisir entre l'institution et ses parents, une réduction des passages à l'acte (fugues, mises en danger, scarifications) et in fine une diminution des durées de placement. Il existe deux interprétations du nombre très élevé de placements non exécutés : le manque de places disponibles, d'une part, et le faible taux de sorties des dispositifs de l'ASE, d'autre part. Les parents témoignent de la difficulté de sortir du système de protection de l'enfance, malgré tous les efforts fournis, une fois qu'ils y sont entrés.

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