Je tiens à préciser que je ne suis pas un spécialiste du Québec, mais je vais partager mon expérience et le contenu de mes échanges sur le terrain.
S'agissant des formations, celles-ci sont principalement universitaires avec un accompagnement pratique et concret caractérisé par une période de quinze jours à trois semaines avec une personne expérimentée sur le terrain. Cette méthode permet à l'étudiant de poser des questions et de s'imprégner de la culture de la structure.
Au Québec, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) représente des milliers de professionnels et le système est complété par diverses fondations ou associations. Au sein du CIUSSS, il existe deux systèmes : le gouvernement emploie directement certains professionnels, tandis que d'autres travaillent pour des agences. Dans le second cas, les professionnels intérimaires reçoivent une formation équivalente à celle des employés permanents du CIUSSS. En ce qui me concerne, j'ai travaillé avec les communautés autochtones et j'ai reçu une formation adaptée en ce sens. Les formations sont proposées tout au long de l'année et il appartient aux professionnels ou aux équipes de les solliciter. Par exemple, des formations sur la sexualité peuvent être demandées. Je considère que ce fonctionnement génère une richesse incroyable en engageant les professionnels dans une réflexion perpétuelle.
Sur l'aspect financier, il existe une logique selon laquelle si l'on investit de l'argent au bon endroit et au bon moment, ce n'est pas une dépense que l'on devra compenser ultérieurement. Je suis personnellement choqué lorsque j'entends, en France, des collègues affirmer que les lits des fugueurs sont attribués à des enfants en accueil d'urgence, au détriment de ceux qui ont fugué. À l'inverse, au Québec, une spécialiste en activité clinique travaille avec le professionnel sur la question de la fugue, offrant ainsi un réel accompagnement. Cela donne du sens à notre action.
Au Québec, j'ai travaillé dans un service accueillant de jeunes déficients intellectuels pour lesquels la question du consentement apparaissait primordiale. À partir de 14 ans, le jeune décidait s'il souhaitait être accompagné ou non, indépendamment de l'avis de ses parents ou de toute autre personne extérieure. Dans ma pratique, je devais systématiquement requestionner le jeune quant à l'accord fourni antérieurement. En outre, les professionnels n'ont pas à gérer autant de jeunes qu'en France, comme c'est parfois le cas dans certaines structures débordées. En France, lorsque je travaillais en AEMO, j'étais chargé d'accompagner 28 familles, à raison d'une rencontre toutes les trois semaines, ce qui ne permet bien évidemment pas de prendre en compte les besoins et les envies de chacun. Pourtant, la question de l'émotion, de la sensibilité et de l'ego du professionnel comme de sa hiérarchie est primordiale. Au Québec, j'utilisais le tutoiement avec mes supérieurs, car nous travaillions ensemble, et non moi pour eux. Dans une structure, cela fait toute la différence. La culture sociale au Québec est extrêmement développée, bien qu'il existe certains manquements.
Concernant les moyens mis en œuvre, le Québec compte six à huit millions d'habitants. La possibilité est offerte d'aller exercer dans des régions éloignées, souvent touchées par une pénurie de personnel. Le gouvernement et les agences proposent alors un financement des logements pour les professionnels, des billets d'avion aller-retour et une augmentation de salaire. On valorise ainsi les professionnels, attitude inexistante en France. Comment motiver des personnes à qui on se contente de proposer le Smic ?
Je souhaiterais aborder le sujet du traitement de la délinquance en Suisse. Afin de limiter les comportements à risque, tels que la vente de drogue, les éducateurs disposent de budgets pour proposer aux jeunes des petits boulots dès l'âge 15 ans. Ainsi on peut rémunérer un jeune âgé de 15 à 25 ans pour des tâches diverses, soit au sein de la communauté, soit pour sa famille, soit à proximité de l'institution. Le salaire qu'il perçoit étant quasiment équivalent à ce qu'il pourrait gagner dans la rue, l'effet dissuasif est assuré. Par contre, au Québec – comme cela aurait pu se passer en France – un jeune pris en flagrant délit m'a demandé : « Pourquoi irais-je travailler pour 20 dollars de l'heure, alors qu'en une nuit, je peux en gagner 3 000 ? ».
En matière de prévention, j'ai beaucoup travaillé au Québec avec la communauté, où tous les professionnels se réunissent une fois par mois. Les acteurs locaux se rencontrent pour discuter des situations en général, sans stigmatiser les personnes. On anticipe les besoins d'accompagnement des familles pour leurs enfants l'année suivante, en se situant dans une démarche de prévention et de réflexion. Tout le monde est réuni autour de la table pour trouver des solutions ensemble. Cette approche fait cruellement défaut en France, où nous pratiquons davantage une politique de réaction plutôt que d'action ou de réflexion, ce qui peut s'avérer très dangereux.