Merci de nous avoir invités à témoigner devant cette commission d'enquête. Bien que nous n'ayons pas le même âge, mes collègues et moi-même partageons des points communs : une enfance marquée par des difficultés, un sentiment d'abandon et de défaillance parentale, notre désir de devenir quelqu'un, notre résilience et nos engagements militants, associatifs et professionnels. Notre instance a choisi une délégation conduite par son président, accompagné de MM. Jérôme Beaury et Christian Haag, tous deux professionnels et anciens de la protection de l'enfance. Leurs analyses et leurs parcours nous offriront un regard précis sur l'état des établissements accueillant les jeunes enfants confiés. Ils ont également écrit sur leur histoire personnelle, témoignant de la distance qu'ils ont pu prendre avec celle-ci.
Notre mouvement représente 80 associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (Adepape) réparties sur l'ensemble du territoire. Il se trouvait quelque peu en difficulté dans le renouvellement de ses équipes il y a quatre à cinq ans. Cependant, une vingtaine d'associations ont été relancées au cours des trois dernières années, entre autres grâce aux effets de la loi du 14 mars 2016 et au soutien des directions départementales chargées de l'enfance et des familles. Le rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a également contribué à une meilleure santé financière de notre tête de réseau, dont le montant de la subvention a doublé, lui permettant ainsi de créer un poste de chargé de mission alors que, jusque-là, notre fédération fonctionnait uniquement grâce à l'engagement de bénévoles, sans ressources pour accomplir le travail nécessaire. Le rapport de la commission des affaires sociales lors de l'examen, en 2021, du projet de loi relatif à la protection des enfants a également été déterminant pour les Adepape, malgré un parcours administratif particulièrement difficile.
Nous ne parlons jamais d'enfants placés, mais d'enfants accueillis et d'enfants confiés à la protection de l'enfance, conformément à la terminologie légale. Bien que les termes « placement » et « ordonnance de placement » existent, nous préférons éviter cette appellation qui réifie l'enfant. Au contraire, la dénomination d'« enfants confiés » implique une certaine confiance envers la protection de l'enfance.
Notre objectif est de poser un regard critique sur la protection de l'enfance lorsque cela est nécessaire. Notre principal lieu d'observation se situe au sein des conseils de famille des pupilles de l'État, où nous siégeons sur l'ensemble du territoire. Nous en présidons d'ailleurs une vingtaine. Nous pouvons ainsi y scruter les disparités et les éventuelles défaillances des pratiques des professionnels de la protection de l'enfance. Nous y découvrons également des initiatives remarquables. Notre discours sur la protection de l'enfance se veut équilibré et sans détour lorsque des critiques s'imposent. La protection de l'enfance devrait aussi être mieux traitées par les médias, dans la mesure où une institution maltraitée devient maltraitante.
Nous défendons des principes incontournables en matière de politique de protection de l'enfance, dont il est essentiel de clarifier les missions en se concentrant exclusivement sur l'intérêt de l'enfant. Par exemple, nous revendiquons la désignation d'un avocat pour chaque enfant. De plus, il est impératif de protéger le plus rapidement possible les enfants en situation de délaissement ou exposés à des négligences graves. Nous saluons à ce propos, madame la rapporteure, l'aboutissement de la loi du 18 mars 2024 concernant la suspension de l'autorité parentale en cas de négligences graves, répondant à l'une de nos revendications les plus anciennes. Nous avons également à cœur de tracer des parcours d'avenir dans un souci d'équité sociale. Il nous paraît indispensable d'instaurer une discrimination positive pour rétablir l'équité qui faisait défaut à la naissance. Comme le souligne la Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, nous œuvrons à réduire les inégalités de destin.
Nous avons tenu à être présents dans toutes les instances qui nous sont accessibles, notamment pour les enfants qui ne sont pas pupilles de l'État, aux niveaux local et national et ce depuis l'adoption de la loi du 14 mars 2016, avant laquelle aucune instance ne nous était ouverte. Nous sommes ainsi membres, au niveau national, du groupement d'intérêt public (GIP) France Enfance protégée, du Conseil national de l'adoption (CNA) ou encore, au niveau local, des commissions d'examen de la situation et du statut des enfants confiés (Cessec). Notre volonté est de représenter les usagers afin qu'ils participent à la transformation de la protection de l'enfance de l'intérieur, par le biais d'observations constructives. Cela reflète par ailleurs notre engagement au Haut Conseil du travail social (HCTS) sur la question de la formation, ainsi qu'à la Haute Autorité de santé (HAS) pour la contribution aux recommandations de bonnes pratiques.