Il est essentiel que vous puissiez présenter vos plaidoyers. Vous y travaillez depuis longtemps et cette commission d'enquête, la première du genre, a pour objectif l'obtention de progrès drastiques en matière de protection de l'enfance. Nous avons souhaité mettre en lumière les manquements des politiques publiques en nous inscrivant dans la réalité factuelle des acteurs, sans cibler l'un d'eux en particulier ni alimenter une guerre entre les départements et l'État. Nous visons à établir des constats souvent déjà connus et étayés par de nombreux rapports, tout en valorisant vos propositions.
En tant qu'acteurs engagés à travers vos plaidoyers et représentant de nombreuses associations, il est important de clarifier certains points. Aussi, pourriez-vous nous éclairer sur la mise en œuvre concrète du droit au retour instauré par la loi Taquet ? Cette mesure a-t-elle réellement commencé à être appliquée ? J'aimerais recueillir vos retours et vos préconisations sur ce sujet. On sait qu'environ 80 % des jeunes sont pris en charge par le secteur associatif habilité. Les pratiques professionnelles des grandes associations sont-elles en phase avec la loi du 7 février 2022 ? Les jeunes reviennent-ils vers le département, l'association ou la famille d'accueil ?
Par ailleurs, le décret du 5 août 2022 a créé des commissions départementales d'accès à l'autonomie des jeunes majeurs. Pourriez-vous nous fournir des détails sur la mise en œuvre de ce décret et son impact sur le terrain ?
Nous avions beaucoup soutenu l'article 19 de la loi Rossignol du 14 mars 2016 portant sur l'allocation de rentrée scolaire ou l'allocation différentielle pour un enfant confié à l'ASE, versée à la Caisse des dépôts. Il semble que celle-ci dispose à ce jour de près de 40 millions d'euros, qui doivent être reversés depuis 2016, conformément à la volonté du législateur, aux jeunes atteignant la majorité. On peut en déduire que les sommes allouées n'ont pas été correctement versées aux jeunes. Avez-vous été en mesure d'observer de bonnes pratiques au niveau des territoires à travers vos retours du terrain ? Quelles sont les améliorations possibles ? La réponse proposée par la secrétaire d'État Charlotte Caubel n'était pas satisfaisante car elle tendait à réduire l'ensemble du pécule destiné à ces jeunes, alors que la loi Rossignol avait pour objectif de les accompagner de la meilleure manière possible.
En outre, sachant que vous pratiquez le droit comparé et êtes en lien avec de nombreuses associations et réseaux, pourriez-vous nous éclairer sur les politiques publiques en vigueur dans d'autres pays ? Par exemple au Québec, en Australie, ainsi qu'en Nouvelle-Zélande, il me semble que les politiques publiques prônent plutôt un accompagnement vers l'autonomie jusqu'à l'âge de 25 ans. Nous observons à notre niveau quelques exemples de bonnes pratiques en cours de déploiement, mais l'objectif est d'aller plus loin, ce qui n'est pas uniquement du ressort des collectivités, mais bien de l'État. Une des difficultés réside dans la répartition des responsabilités entre l'État et les départements concernant l'accompagnement des jeunes qui atteignent la majorité. Je souhaiterais recueillir vos retours et préconisations à ce sujet.
Enfin, certains jeunes majeurs bénéficient d'un bon accompagnement, d'autres moins. Parfois, certains jeunes sont laissés pour compte en cours de route. Ceux qui présentent des fragilités d'insertion particulièrement graves, notamment en raison de handicaps, se retrouvent dans une situation de double, voire de triple vulnérabilité. Ils sont en effet démunis, mais également non pris en charge d'un point de vue médical. Ils nécessitent souvent un accompagnement très spécifique, notamment à travers le placement dans des foyers adaptés à la question du handicap. Je souhaiterais savoir si vous avez observé de telles situations dans les territoires ou si cette problématique est négligée. La commission d'enquête pourrait formuler des préconisations à ce sujet. En effet, si la jeunesse est plurielle, ses fragilités le sont également.