Intervention de Thomas Larrieu

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Thomas Larrieu, chargé du plaidoyer et de l'animation du réseau du Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso) :

Le collectif « Cause Majeur ! » s'est fortement mobilisé avant l'adoption de la loi Taquet pour faire de la question des jeunes majeurs un élément central des discussions parlementaires. Nous tenons à souligner à nouveau notre satisfaction d'avoir réussi à introduire ce sujet dans le débat public.

Cette loi a permis des avancées significatives pour les jeunes majeurs. Il est essentiel de noter qu'elle oblige aujourd'hui les conseils départementaux à proposer une solution à un jeune de 18 ans ayant été accueilli durant sa minorité par l'ASE, en prolongeant cet accompagnement en l'absence de ressources financières suffisantes ou de soutien familial. L'instauration d'un droit au retour est également très importante pour nous, en permettant à ces jeunes, même majeurs, de bénéficier à nouveau de l'ASE en cas de difficultés. De plus, ils doivent être prioritaires dans l'accès au logement social. De nombreux autres points pourront être développés ultérieurement sur ce sujet.

Cependant, le bilan de cette loi reste mitigé à nos yeux. De nombreux éléments, confirmés par la réalité des faits, suscitent notre vigilance. On peut tout d'abord citer l'absence de financement dédié au niveau national, ce qui interroge les capacités financières des départements à soutenir les jeunes. De plus, l'absence d'un droit garanti à l'accompagnement de tous les jeunes majeurs de 18 à 21 ans représente un point crucial, dont l'impact sur le terrain est très concret.

Le collectif s'est également interrogé sur l'effectivité de la loi Taquet par le biais d'une enquête renouvelée chaque année. Bien que n'ayant pas de vocation scientifique, ces travaux sont essentiels car ils mettent en lumière des tendances et des dynamiques. Ils permettent surtout de constater que le volet de la loi Taquet relatif à l'accompagnement des jeunes majeurs n'est pas entièrement sur l'ensemble du territoire national. On observe toutefois des progrès sur ce plan, comme le souligne la dernière enquête, avec une proportion de 90 % des jeunes majeurs désormais accompagnés par un éducateur référent, ce qui assure une certaine stabilité et une cohérence dans le suivi. Cependant, pour la majorité des autres mesures instaurées par la loi, de nombreuses défaillances persistent. Ainsi, deux tiers des répondants à notre enquête indiquent que les contrats jeune majeur ne s'étendent pas jusqu'à 21 ans. En réalité, leur durée moyenne est d'environ 11 mois, avec une médiane de 9 mois. Si l'on prend en compte les renouvellements, la durée moyenne atteint 20 mois, ce qui est bien loin des 36 mois prévus par l'esprit du texte de loi.

Par ailleurs, 44 % des personnes interrogées signalent que les jeunes majeurs ne sont pas prioritaires dans l'accès au logement social, contrairement à ce qui était expressément prévu dans le texte. Pourtant, l'accès au logement constitue le passeport vers une véritable autonomie. En l'absence de logement, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des jeunes vers l'inclusion professionnelle, sociale et affective. Par ailleurs, nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que de nombreux conseils départementaux justifient le refus d'accompagner des jeunes majeurs par des raisons non conformes à la loi. Je n'en citerai qu'une parmi d'autres, à savoir l'absence de projet scolaire ou professionnel. Cela n'était absolument pas prévu par la loi. Cette situation confirme les craintes initialement exprimées en 2022 par le collectif concernant le caractère arbitraire des évaluations et des situations d'accompagnement des jeunes majeurs. Enfin, la loi Taquet n'a pas réduit les inégalités d'accompagnement sur le territoire, contrairement à son objectif. Au contraire, nous constatons actuellement une persistance, voire une aggravation des inégalités territoriales. Il est donc impératif de rappeler l'absolue nécessité de rendre cette loi plus effective. Ses dispositions doivent ainsi être applicables à tous les jeunes majeurs, partout sur le territoire.

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