Pour répondre à votre dernière question, sachez que l'association Moruroa e tatou a recueilli de nombreux témoignages de travailleurs sur les sites. Ils ont rapporté que leurs familles avaient eu à déplorer des naissances d'enfants malformés et de nombreux décès à la naissance. L'association Moruroa e tatou pourra transmettre ces centaines de témoignages, fruit du travail de Bruno Barrillot, Roland Oldham et John Doom.
De nombreuses familles d'anciens travailleurs directement présents sur les sites sont touchées par des naissances d'enfants handicapés ou par des décès à la naissance. Cette réalité ne peut manquer de nous interpeller.
Aux Gambier, dont je suis natif, les prêtres ont noté, quelques mois après les tirs, que de nombreuses mères avaient perdu leur enfant. Toutes les familles vivant aux Gambier ont été confrontées à des cas de ce type.
Il me paraît indispensable que des études sur les maladies dites transgénérationnelles soient lancées dans notre fenua. Comment expliquer qu'après tous les tirs effectués, ni le gouvernement local ni l'État n'aient commandé d'études sur ce sujet ? Nous leur posons donc la question.
À la fin du gouvernement Fritch, le docteur Sueur, pédopsychiatre, avait commencé à partager certains constats. Il a confié à l'Association 193 que sur une centaine d'enfants, au moins quatre-vingts présentaient des troubles aigus du comportement. Ces enfants, issus de tous les archipels, avaient pour point commun d'avoir un grand-parent qui avait travaillé directement sur le site de Mururoa.
Avant son arrivée en Polynésie, le docteur Sueur avait travaillé dans les pays de l'Est. Il y aurait dressé des observations comparables sur une partie des enfants rencontrés, du fait de la catastrophe de Tchernobyl.
Il va de soi que toutes les associations de l'île attendent avec la plus grande impatience le lancement des études sur les maladies dites transgénérationnelles.
J'en viens à votre question précédente. Nous n'avons pas de liens directs avec les habitants d'Hiroshima et de Nagasaki, en dehors de quelques échanges.
Notre proposition de référendum a recueilli plus de 55 000 signatures. Le statut de notre territoire nous permet de poser une question à la population, à condition de réunir un certain nombre de pétitionnaires. Notre initiative, lancée en 2015, a montré que la question des essais nucléaires ne touche pas seulement les travailleurs. Face aux obstacles auxquels nous nous sommes heurtés, nous avons eu le réflexe de réorienter cette question au sein de la population. À travers cette proposition de référendum, nous voulions interpeller l'État sur ses responsabilités et connaître l'avis de la population sur les conséquences des essais nucléaires.
Nous n'avons pas eu le temps de nous déplacer dans tous les archipels, mais nous avons tout de même recueilli plus de 55 000 signatures rien que sur Tahiti et quelques autres îles. Si nous avions pu nous rendre dans toutes les îles de Polynésie, nous aurions sans nul doute réuni encore davantage de pétitionnaires !