Notre rapport s'est ensuite intéressé à la perception de cette singularité par nos alliés. En effet, si cette singularité a des conséquences positives pour notre influence, elle est susceptible de nous isoler au sein de l'Alliance et toute définition d'une stratégie efficace de la France dans l'OTAN exige de tenir compte de la perception de notre pays par ses alliés.
Ce que nous avons constaté lors des auditions, c'est la conscience qu'ont nos alliés de la singularité de la position française au sein de l'OTAN. La France est une grande puissance militaire et elle est considérée comme telle par ses alliés.
Cette crédibilité militaire, incontestable, si elle légitime le rôle singulier de la France au sein de l'OTAN, a aussi pour effet de susciter des attentes de la part de nos partenaires. Parce que la France a des capacités militaires que les autres pays européens n'ont pas, ceux-ci attendent de notre pays qu'il s'engage pleinement dans l'Alliance et fasse bénéficier la défense collective de son expérience et de ses moyens.
Or, notre pays a longtemps été réticent à s'investir dans l'OTAN, en particulier après son retour dans le commandement intégré, dans la mesure où celui-ci a quasiment coïncidé avec l'engagement opérationnel majeur des armées françaises en Afrique, dans le cadre de l'opération Barkhane. Nos alliés ont pu comprendre que le contexte propre à la France l'avait conduite à mobiliser l'essentiel de ses forces armées à cette fin, en Afrique et sur le territoire national (avec l'opération Sentinelle). Notre pays s'est moins investi dans la défense du flanc Est de l'Alliance, dont les pays craignaient qui craignait une menace russe qui a pris une nouvelle dimension après l'annexion de la Crimée. Alors que celle-ci a été renforcée à partir de 2017 dans le cadre des « présences avancées renforcées », notre pays a refusé d'être nation-cadre, même s'il a toutefois envoyé une compagnie en Estonie et a déployé que des appareils pour faire la police du ciel en Pologne.
Cette attitude, a été mal perçue par certains alliés, tout comme la volonté de dialogue du président Macron – avant 2022 – avec la Russie. De même, l'obsession de notre pays pour l'Union européenne et son autonomie stratégique, qu'il évoque tout le temps et veut glisser partout dans les documents de l'OTAN, est la preuve s'il en était besoin que la France n'est pas totalement impliquée dans l'OTAN et qu'elle y poursuit d'autres objectifs. Cela est également crispant pour nos alliés et contreproductif pour atteindre ces derniers.
La guerre en Ukraine a toutefois changé cette perception car la France est devenue nation-cadre en Roumanie et a démontré avec le déploiement de la mission Aigle une réactivité dont aucun autre pays européen n'est aujourd'hui capable. Toutefois, si l'investissement dans la défense du flanc Est de l'OTAN a été unanimement salué par nos alliés, nous devons être conscients que ceux-ci n'en attendaient pas moins de la France en tant que grande puissance militaire