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Intervention de Anne Genetet

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Genetet, co-rapporteure :

Après le rappel du contexte actuel de l'Alliance, marqué par l'agression russe en Ukraine et ses conséquences, notre rapport s'intéresse à la place de la France au sein de l'Otan, une place que l'on peut qualifier de « singulière ».

La France est singulière en raison de ses capacités militaires inédites, qui fondent un rapport différent à l'Alliance. Non seulement la France est, seul pays européen dans ce cas, dotée de l'arme atomique et d'une dissuasion totalement autonome, mais elle dispose également d'une BITD de niveau mondial et d'une armée quasi complète dotée d'une capacité opérationnelle reconnue. Disposant d'équipements largement renouvelés et dont la modernisation se poursuivra d'ici à 2030, si la LPM est respectée, les armées françaises se distinguent également par une capacité opérationnelle maintes fois démontrée sur le terrain. Les soldats français ont été déployés en territoire hostile, ils ont connu le feu et, pour certains, ont perdu la vie.

La France se distingue également parmi les Alliés par sa capacité à élaborer une doctrine autonome de défense et à mettre en place, avec la LPM, une planification nationale de défense. En effet, pour nombre d'Alliés européens, l'OTAN constitue la clé de voûte de leur politique de défense, la réflexion stratégique se limite à une reprise de ses analyses stratégiques et leur planification à la mise en œuvre du NDPP.

Enfin, la France est, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies et, par son histoire comme par sa géographie, avec ses Outre-mer présents dans l'ensemble des océans, dispose d'une vision à 360 ° des enjeux du monde.

La France dispose donc de capacités et d'une vision inédites parmi les Alliés européens, à la seule exception des États-Unis. Cette singularité explique qu'elle soit dans un rapport différent de ceux-ci vis-à-vis de l'OTAN.

En effet, pour tous les alliés européens, l'OTAN constitue la clé de voûte ou, du moins, un aspect essentiel de leur politique de défense. Dans un pays comme l'Allemagne, par exemple, la défense se limite à la défense territoriale et les enjeux de défense aux enjeux européens. C'est encore plus vrai dans les pays de l'Est et les pays baltes qui sont dans une relation de dépendance totale vis-à-vis de l'OTAN qui constitue pour eux la seule garantie de sécurité crédible face à la menace existentielle que constitue, à leurs yeux, la Russie.

Or, la garantie ultime de sécurité de notre pays n'est pas l'OTAN mais nos moyens nationaux et nos propres forces armées Par ailleurs, la France assure, seule, la défense de ses territoires ultramarins, qui ne sont pas concernés par l'OTAN. Nous sommes par conséquent dans une position radicalement différente de celle des autres pays européens.

La singularité de la France est aussi celle de son histoire, avec l'OTAN. Comme vous le savez, notre pays est un membre fondateur de l'Alliance et a eu, jusqu'en 1966 un rôle majeur en son sein puisqu'il accueillait sur son territoire son siège ainsi que le SHAPE (l'état-major stratégique de l'OTAN), tout en hébergeant sur le sol hexagonal jusqu'à 70 000 soldats américains.

La décision du général de Gaulle de retirer la France du commandement militaire intégré, motivée par des raisons politiques, illustre le dilemme qu'entraîne l'appartenance à une alliance politico-militaire telle que l'OTAN : la stricte efficacité militaire en mode multinational (unicité du commandement, délégation d'autorité de toutes les forces au commandant suprême américain en cas de conflit …) mettrait en jeu l'autonomie stratégique du pays et, partant, la souveraineté nationale.

Après cette décision, la France a donc été dans une position originale et jusqu'alors inédite : toujours membre de l'Alliance et assumant, par conséquent, ses responsabilités découlant du TAN et, notamment, la solidarité entre Alliés inscrite dans son article 5, elle n'en était pas moins en dehors des structures militaires intégrées dont l'objet même était de garantir une défense efficace des Alliés en cas d'agression armée de l'un d'entre eux.

Un modus vivendi a été rapidement trouvé suite à cette sortie du commandement militaire intégré, basé sur des accords militaires ad hoc. Cette situation est toutefois devenue insatisfaisante à partir des années quatre-vingt-dix, après la décision politique de participer aux opérations militaires de l'OTAN, notamment en ex-Yougoslavie, sans pour autant être associé à la planification et à la conduite des opérations puisqu'elle n'était pas intégrée dans les structures militaires.

À cet argument technico-opérationnel en faveur du retour dans le commandement militaire intégré s'est ajouté un argument politique. Comme l'a souligné le rapport d'Hubert Védrine en 2012, la décision du président Sarkozy s'inscrivait explicitement dans une volonté de rapprochement avec l'administration de G. W. Bush, après l'opposition à la guerre américaine en Irak en 2003, et de réinsertion de la France dans la « famille occidentale », en rupture avec l'héritage de ses prédécesseurs, de Charles de Gaulle à Jacques Chirac en passant par François Mitterrand.

Le retour a évidemment eu de nombreuses conséquences que le rapport s'est attaché à analyser.

La principale conséquence de ce retour dans le commandement militaire intégré est, évidemment, le retour des militaires français dans ses structures, dont le nombre a atteint 763 militaires en 2023 contre environ une centaine jusqu'en 2008. Parmi ceux-ci, des postes prestigieux ont été obtenus par notre pays, dont celui de commandant suprême du commandement Transformation et de vice-chef d'état-major du commandement Opérations

Il faut toutefois souligner que la France ne réalise qu'à 79 % le quota des postes qui lui sont attribués, soit un taux bien moindre que ses principaux partenaires (93 % pour le Royaume-Uni, 91 % pour l'Italie ou encore 86 % pour l'Allemagne).

S'agissant des postes civils, qui relèvent d'un cadre différent puisqu'il ne s'agit pas de quotas nationaux mais de recrutements directs après compétition, la France dispose d'un secrétaire général adjoint de l'OTAN, aujourd'hui à la diplomatie publique, qui est un poste stratégique au sein de l'OTAN, notamment sur la lutte informationnelle. Les Français sont cependant peu présents au secrétariat international, défavorisés à la fois par un processus de recrutement très anglo-saxon mais également par l'absence pendant 43 ans du commandement intégré et de la suspicion en découlant

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