. – En février 2022, la commission des affaires sociales du Sénat avait saisi l'Office pour étudier les effets indésirables de la vaccination contre la covid-19 et le système français de pharmacovigilance. Avec mes collègues rapporteurs, nous avions alors établi un rapport d'étape dressant une première analyse sur la base des éléments scientifiques disponibles.
Le 26 octobre 2023, le bureau de l'Office nous a confié le soin d'établir un rapport conclusif au périmètre élargi, incluant notamment les éléments nouveaux ayant pu émerger sur la covid-19. Nous avons été rejoints par Philippe Berta et en avons profité pour effectuer un point plus large sur l'évolution des connaissances autour du covid long et nous intéresser aux nouveaux outils de surveillance épidémiologique et d'anticipation sanitaire et à la désinformation en santé.
Nous vous présentons aujourd'hui les principaux enseignements tirés de ces travaux. Je débuterai par l'évolution des connaissances sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français.
Les vaccins utilisés au début de la campagne vaccinale bénéficiaient d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, depuis convertie en autorisation standard. De nouvelles versions de certains vaccins, adaptées aux souches circulantes, ont également été approuvées pour améliorer la protection face à l'évolution du virus. Enfin, de nouveaux vaccins développés par les laboratoires Valneva, Sanofi-GSK et Hipra ont été autorisés.
La période pandémique est aujourd'hui terminée, mais le virus continue de circuler et de faire de nouvelles victimes, rendant essentiel le maintien d'une certaine couverture vaccinale. La stratégie de vaccination est entrée dans un processus de normalisation. La primo-vaccination en population générale n'est plus recommandée ; seules les personnes âgées et à risque de formes graves sont invitées à se faire administrer une dose de rappel annuelle ou biannuelle. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande l'utilisation d'un vaccin adapté aux dernières souches circulantes, de préférence à ARNm.
La campagne vaccinale s'est accompagnée de la collecte et de l'évaluation des déclarations d'événements indésirables. La surveillance est entrée dans un processus de normalisation et elle est aujourd'hui réalisée comme pour les autres médicaments. L'importance de la campagne de vaccination a permis de disposer d'un volume de données inédit et de faire des vaccins contre la covid-19 l'un des produits de santé les mieux surveillés.
Depuis l'adoption du rapport d'étape, les travaux menés par les organismes de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie ont entraîné des ajouts aux listes des effets indésirables, dont des saignements menstruels abondants temporaires, souvent sans gravité, pour les vaccins Comirnaty et Novavax et des myocardites et péricardites – déjà identifiées comme des effets indésirables des vaccins ARNm – pour les vaccins Nuvaxovid et Jcovden. Ces effets impactent toutefois peu la balance bénéfice/risque. Différents signaux potentiels restent surveillés par les autorités sanitaires.
Le profil de sécurité des vaccins adaptés aux souches circulantes n'a pas montré de différence par rapport à celui des vaccins originaux.
Malgré un moindre recul, les vaccins plus récemment autorisés semblent bien tolérés. La surveillance en vie réelle a permis d'acquérir des données sur des populations généralement exclues des essais cliniques. Plusieurs études montrent une bonne tolérance chez les femmes enceintes, les enfants et les personnes vulnérables.
Le développement des vaccins contre la covid-19 en un temps record a été une véritable prouesse. Nous souhaitons aussi souligner la performance des systèmes de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie mondiaux, qui ont accompagné cette campagne sans précédent en évaluant les risques associés et en permettant l'adaptation rapide des recommandations vaccinales. Le système français s'est notamment distingué avec l'identification de nombreux signaux potentiels. En outre, la mise en lumière du travail de suivi et d'évaluation des vaccins a produit des bénéfices indirects pour la pharmacovigilance, aujourd'hui davantage sollicitée par les professionnels de santé libéraux, et ses concepts sont mieux compris par la population.
Ces résultats ne doivent toutefois pas masquer les difficultés auxquelles font face les structures chargées de la surveillance. Au contraire, ils doivent inviter à les conforter, notamment par l'attribution de moyens humains et financiers à la hauteur de leur mission pour la protection de la santé publique. Un affaiblissement de ces structures pourrait amoindrir la confiance du public dans les médicaments et ferait courir un risque en cas de nouvelle crise sanitaire.
Nous avions émis des craintes concernant les conséquences que pourrait avoir la crise sur l'adhésion à la vaccination. Il apparaît que la campagne a globalement été un succès. Nous notons toutefois une érosion de l'adhésion aux campagnes de rappel. L'adhésion vaccinale demeure un sujet de préoccupation, comme le montre le faible succès de la campagne contre le HPV.
La communication des autorités sanitaires est essentielle. Si des rapports réguliers et détaillés sur les vaccins ont été publiés par le système de pharmacovigilance, la diffusion de ces informations vers le grand public a fait défaut. Il est important d'en tirer les enseignements et de repenser la communication autour des campagnes vaccinales et des médicaments, en construisant une communication claire, lisible et pédagogique permettant une bonne appréciation de la balance bénéfice/risque par la population.
Nous recommandons de :
poursuivre la surveillance des vaccins ;
organiser le dispositif de surveillance de manière à pouvoir le renforcer lors de la mise sur le marché de médicaments innovants susceptibles d'entraîner des craintes excessives parmi la population ou un risque important d'effets indésirables ;
poursuivre la démarche d'amélioration de la quantité et de la qualité des déclarations de pharmacovigilance pour optimiser la détection des signaux, en sensibilisant les professionnels de santé et la population à l'intérêt de la pharmacovigilance ;
maintenir l'organisation actuelle du réseau des CRPV et d'EPI-PHARE et de les doter de moyens suffisants ;
améliorer la communication sur les effets indésirables, de diffuser des campagnes destinées aux personnes hésitantes et de lutter contre de fausses informations ;
expliquer de manière pédagogique les éventuelles évolutions des stratégies vaccinales afin de permettre leur bonne compréhension et garantir leur acceptabilité.