J'en avais une très grande conscience. J'avais repris la phrase « n'importons pas l'agriculture dont nous ne voulons pas ». En même temps, nous sommes dans une économie ouverte. C'est le débat que nous avons eu avec l'Espagne. L'interdiction du diméthoate sur les cerises en France a fait que nous ne produisons quasiment plus de cerises, mais nous en mangeons quand même ; elles viennent de chez nos voisins. Je ne sais pas si le gouvernement actuel arrive à avancer à ce sujet. En tout cas, le Président de la République a toujours affirmé qu'il fallait des clauses miroirs.
C'est pour cela qu'il faut une Europe forte : pour mener cette bataille. Si on détricote l'Union européenne, cette force fera défaut face aux autres. On entend dire : « la volaille qui vient d'Amérique du Sud, on n'a pas confiance » ; bien sûr ! Mais si elle ne pose pas de problème du point de vue sanitaire, elle entre. Il y a trop de différences à l'intérieur de l'Europe, même si elles sont en train de se réduire. Quant à l'extérieur, je me suis battu de toutes mes forces contre l'accord avec le Mercosur, qui aurait été un drame absolu. Il faut équilibrer les choses petit à petit. Mais ce sera très difficile : on ne peut pas imposer aux autres pays ce que nous voulons, ni fermer les frontières – 50 % de la volaille consommée en France vient de l'étranger.
Le problème est aussi l'alimentation selon la classe sociale. C'était un de mes combats comme ministre. Ce n'est pas de la politique, ce n'est ni de droite ni de gauche : les Français ont le droit de manger des produits sains, sûrs et tracés ; certaines catégories sociales n'ont pas à en bénéficier plus que les autres sous prétexte qu'elles en ont les moyens. Pourtant, ceux de nos concitoyens qui gagnent moins d'argent ne peuvent se payer ces produits, ce qui favorise le dumping alimentaire.
Cela dit, à ceux qui pensent qu'il faut manger bio parce que sinon on s'empoisonne, je dis non ! L'agriculture française produit des aliments d'exception. Certains sont faits avec des phytosanitaires dont il faut sans doute réduire l'utilisation, mais ne laissons pas croire que les uns mangent des produits importés qui ne sont pas bons et les autres des produits locaux.