L'opération a eu lieu entre fin décembre 2020 et début janvier 2021. Nous n'avons rien sollicité de la part du Gouvernement, tout simplement parce que les choses sont allées extraordinairement vite. Nous avons reçu une marque d'intérêt de la part du groupe canadien Couche-Tard, qui est très solide, crédible, puissant, en vue de travailler à un rapprochement. Or au moment où le conseil d'administration, mes actionnaires, mes administrateurs et moi-même commencions à y travailler, il y a eu une fuite dans la presse. Notre avis sur l'opportunité de l'opération n'était alors pas du tout arrêté. Couche-Tard envisageait de racheter Carrefour mais nous n'avions fixé ni les parités, ni le lieu du siège social, ni la nationalité du dirigeant, ni les engagements en matière d'emploi ou d'investissement. Je le répète, les discussions ne faisaient que commencer.
Lorsque l'affaire a été rendue publique, le ministre de l'économie a pris position, ce qui est son droit le plus strict. Rappelons-nous des conditions de température et de pression de l'époque. Nous étions dans la deuxième phase du covid, la question de l'approvisionnement alimentaire était très prégnante, aussi le ministre a-t-il estimé que l'opération n'était pas la bienvenue parce qu'elle pouvait mettre en péril la souveraineté alimentaire française – nous en avons discuté ensemble ultérieurement.
En conséquence, le dirigeant fondateur de Couche-Tard a jugé que les conditions d'un rapprochement n'étaient pas réunies, toutes les parties prenantes n'y étant pas favorables. L'opération était absolument amicale et ne pouvait aboutir que de cette manière. Je n'avais donc aucun intérêt à solliciter Bercy afin de recourir à tel ou tel décret de blocage. L'opération n'est pas allée plus loin.