Votre première question, relative à la répartition de la marge, est d'une très grande importance. Je m'appuierai à mon tour sur les données de l'OFPMPA, en l'occurrence de son rapport 2023, et détaillerai les marges nettes de différents rayons frais dans la grande distribution, les chiffres du groupe Carrefour étant proches de cette moyenne. Je précise à cet égard que la marge nette équivaut à la marge brute moins le coût de fonctionnement du magasin, lequel comprend le loyer, les dépenses de personnels, les coûts logistiques et d'électricité, etc. La marge nette de la poissonnerie s'élève à -2,1 % – elle est donc négative –, celle de la boulangerie à -2,7 %, celle de la boucherie à -1,4 %, celle des produits laitiers, ce qui inclut les yaourts, à +0,6 %, celle des fruits et légumes à +2,9 %, celle de la volaille à +5,9 %, et celle de la charcuterie à +6,4 %.
Notons que ces niveaux de marge nette sont assez conformes à celle de notre secteur en général. Je suis donc toujours frappé des débats qui peuvent avoir lieu autour de la marge de la grande distribution. En France, mon groupe réalise un chiffre d'affaires d'environ 50 milliards d'euros. Il a l'avantage – ou l'inconvénient, c'est selon – d'être coté en bourse, aussi son résultat est-il public et transparent. En l'occurrence, notre marge nette totale s'élève à 2,5 %, quand celle des dix plus grands groupes de l'industrie agroalimentaire atteint 10 à 12 %.
S'agissant spécifiquement des rayons frais, cette marge est parfois négative et s'élève à 6 % au maximum. Ces rayons sont extrêmement importants en matière d'attractivité – ils font venir les clients –, la qualité des fruits et légumes étant absolument essentielle. Mais leur équilibre économique se situe entre 0 et 2 % de marge nette.
La transparence, objet de votre deuxième question, est également essentielle. Nous la devons aux consommateurs et c'est notre intérêt : M. le président l'a très bien montré tout à l'heure en prenant l'exemple du miel. À cet égard, l'initiative « Origine-Info », qui vient d'être annoncée par Mme Olivia Grégoire, va dans le bon sens et je pense que l'ensemble de notre secteur y souscrit. En quoi consiste-t-elle ? Lorsque le produit est d'origine française, c'est-à-dire quand son ou ses ingrédients principaux sont français, il faut le faire figurer. Pour les biscuits, ce sera le cas si la farine et le blé sont français ; pour les carottes râpées, qui sont un produit transformé, ce sera le cas si les carottes sont françaises.
J'y insiste : parce que nous nous appuyons sur nos filières et parce que nos producteurs locaux sont essentiels, personne n'a intérêt à tromper le consommateur final. Notre devoir de vérité permanent devrait même nous conduire à l'indiquer quand le produit n'est pas français. Par exemple, entre janvier et mars, il n'est pas possible de se procurer des fraises françaises, ou des légumes français si l'on souhaite faire de la ratatouille. C'est mon métier, aussi n'ai-je pas de problème à proposer de tels produits aux consommateurs, mais nous leur devons la transparence : ils ne viendront pas de France mais plutôt du pourtour méditerranéen.
Quant à votre troisième question, je vous remercie de l'avoir posée car cet aspect est souvent oublié. Le fait que nous soyons le seul acteur international présent dans quarante-deux pays signifie que nous sommes aussi le seul à exposer en permanence des produits français à travers le monde. Nous le faisons avec notre marque Reflets de France, dont parlait M. Laurent Vallée et qui est particulièrement qualitative, ou grâce à la gamme Carrefour Bio. Autrement dit, quand nous intégrons un nouveau pays, quand nous développons notre activité sur de nouveaux continents, nous le faisons avec notre propre marque, qui représente près de 40 % des produits que nous proposons, lesquels – je le disais – sont fabriqués à partir d'ingrédients français pour l'immense majorité d'entre eux. Le développement international de Carrefour profite mécaniquement aux filières agricoles et agroalimentaires françaises en leur procurant des débouchés.