Quel est le principe même d'Egalim 2 ? Cette loi vise à protéger le revenu de l'agriculteur par de la transparence. Pour cela, il faut une contractualisation en amont et une fixation du prix « en marche avant » entre l'industriel agroalimentaire et l'agriculteur ou la coopérative agricole. On a donc besoin que soient mis en place des indices de coûts de production. Il y a deux raisons à ce que cela ne se soit pas fait, ou seulement en partie, dans un certain nombre de filières.
D'une part, vous le savez – certains de vos collègues ou anciens collègues, comme M. Moreau, suivent de près la question et l'ont dit –, la volonté de s'organiser en filière n'a pas été totale. Dans certains cas, on ne s'est pas organisé ainsi et on n'a pas mis en place des indices. Il y a donc une insuffisance de « filiarisation », si je puis dire. D'autre part, 80 % des industriels ont choisi l'option 3 – pardon, c'est un peu technique, mais je pense que vous savez tous de quoi il s'agit. Je ne demande qu'une chose, c'est de connaître le prix d'achat contractualisé entre l'industriel et l'agriculteur – je discute avec le premier, mais pas avec le second –, mais plutôt que de nous donner le prix, 80 % des industriels ont choisi de recourir à un tiers de confiance qui me dit : « Le prix, c'est tant. » Or je ne veux pas qu'on me dise cela, je veux connaître le prix d'achat de l'industriel. Si je le connais, la sanctuarisation du prix agricole est extrêmement aisée : je connais le prix de la matière première agricole et je négocie donc avec l'industriel sur la base d'une information pure et parfaite. Dans 80 % des cas, les industriels ont choisi l'option 3 qui ne permet aucune transparence.
J'en reviens à la question du porc. Quand je discute avec un industriel de ce secteur, il somme, dans le prix qu'il m'annonce, l'acquisition de porc à des éleveurs français et l'acquisition de porc à des éleveurs étrangers. Je ne connais donc pas du tout la valeur de la matière première agricole française et je suis dans l'incapacité de sanctuariser cette matière première dans des conditions satisfaisantes. Ce que nous demandons, et je suis très frappé de voir que cela n'avance pas alors que cela paraît assez logique – pardon de le dire et je précise que ce n'est absolument pas une agression contre le monde de l'industrie agroalimentaire, qui est un partenaire pour nous –, c'est que des coûts de production fiables nous soient communiqués. Autrement dit, il faut avant la négociation en aval, entre moi et l'industriel, une négociation en amont entre l'industriel et le monde agricole, avec un prix qui en ressort. Une fois que vous avez ce prix-là, la matière agricole est parfaitement sanctuarisée : des clauses d'indexation peuvent s'appliquer puisque vous avez contractualisé et que vous avez une connaissance du prix. Si ce n'est pas le cas, si c'est juste un tiers de confiance qui vous dit un beau matin que le prix est tant a priori, vous n'êtes pas du tout dans le même état d'esprit.
Ce que je demande, et ce sera l'objet des discussions au sujet d'Egalim 4, dans lesquelles la représentation nationale aura un rôle très important, c'est très simplement une transparence maximale pour la fixation du prix, en écho à ce que j'ai dit sur la nécessité de raisonner par filières et non dans le cadre d'une opposition entre les uns et les autres. Pour cela, il faut qu'il y ait une négociation en amont entre l'industriel et l'agriculteur et que, une fois celle-ci terminée, se tienne une négociation en aval sur la base d'un prix incontestable et non issu d'un tiers de confiance qui vous sort, un jour, un papier totalement incompréhensible et dont on s'est rendu compte, à des dizaines de reprises, qu'il n'était pas fiable. Voilà ce que je demande avec force. Si on arrive à faire cela dans le cadre d'un nouveau texte législatif, on aura collectivement avancé.