D'abord, je formule cette remarque de l'endroit où je vous parle. Vous entendrez d'autres acteurs internationaux et nationaux – mes collègues. Je suis présent dans quarante pays : j'ai un poste d'observation un peu différent. Ces pays ont des agriculteurs et leur agriculture est parfois plus compétitive que la nôtre. Dans aucun le rapport entre la distribution et l'agriculture ne pose de problème. Aucun n'a voté vingt-six lois en vingt-deux ans dans ce domaine. La plupart ont légiféré une fois, il y a trente ans. En France, nous allons attaquer le quatrième texte visant à régir les relations commerciales depuis 2017. Si vous me laissez aller au bout de mon raisonnement, je serai transparent – c'est mon habitude. Des responsables politiques mettent en cause telle enseigne – plutôt mes collègues, vous avez raison, mais ils ne le méritent pas –, qui serait responsable des difficultés du monde agricole. Évidemment, nous jouons un rôle, nous assumons des responsabilités et nous présentons des imperfections – vous venez à raison d'en relever une. Toutefois nous ne représentons que 25 % des débouchés du monde agricole : 40 % des productions sont exportées et 30 % vont dans la restauration hors foyer. Un quart, ce n'est pas neutre, mais ce n'est qu'un quart.
Par ailleurs, nous avons instauré une contractualisation avec nos 30 000 partenaires agricoles, qui travaillent avec nous tout au long de l'année. Moi aussi je vois des agriculteurs, je passe du temps avec eux, je signe des contrats avec eux. Et je n'entends pas les mêmes sons de cloche que vous. Certes, j'en rencontre qui ne sont pas contents : je ne dis pas qu'ils sont toujours ravis de ce que fait la grande distribution. L'esprit, et non la lettre, des lois Egalim a renforcé la défiance. De temps en temps, je lis que si nous rétablissions un équilibre en plaçant les industriels avec les agriculteurs, contre les distributeurs, tout irait mieux. J'ai également entendu des responsables politiques défendre cette idée idiote – pardonnez-moi le terme. Nous sommes une filière. Cela fonctionne quand la filière fonctionne bien. Egalim 2 sera fructueuse si la contractualisation des prix fonctionne en marche avant : il faut que la négociation entre l'industriel agroalimentaire et la coopérative agricole fixe un prix avant que ne s'engage la négociation avec nous, la matière première agricole étant sanctuarisée. L'idée sous-jacente à la loi de faire fixer le prix par la filière était intelligente, malheureusement la mesure n'est pas appliquée. Je le dis avec force : nous avons beaucoup de responsabilités, les dysfonctionnements et les anomalies sont nombreux, mais pour sortir de la crise par le haut, il faut fonder le raisonnement sur la filière ; si on renforce l'opposition des uns aux autres, on échouera.