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Intervention de Dr. Nathalie Vabre

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 13h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Dr. Nathalie Vabre, pédiatre, coordinatrice de l'unité d'accueil des enfants en danger au centre hospitalier et universitaire de Nantes :

Sur la question du suicide, il est important de noter que ce phénomène ne concerne pas uniquement les enfants protégés. Il s'agit d'un problème global, amplifié par un afflux notable d'enfants plus jeunes, garçons et filles, dans les services d'urgences pédiatriques, présentant des idées suicidaires et qui font des tentatives de suicide. Ce phénomène, que l'on peut qualifier de tsunami, a probablement été exacerbé par la crise du covid-19, qui a révélé un mal-être général. En ce qui concerne spécifiquement les enfants de la protection de l'enfance, il est avéré qu'ils consomment davantage de soins d'urgence. Ces enfants sont hospitalisés plus fréquemment et pour des durées plus longues que ceux de la population générale, tout en étant moins bien soignés. Ils n'ont souvent pas de médecin traitant, ce qui entraîne une plus grande utilisation de services comme SOS Médecins et les urgences pédiatriques. De nombreuses études confirment cette réalité, alors même que ces enfants ont des besoins de santé plus importants que ceux de la population générale. En plus des besoins de santé communs à tous les enfants, ils présentent en effet des besoins particuliers liés à une surreprésentation du handicap et des situations de sur-handicap. Par exemple, un enfant peut avoir une maladie chronique ou être en situation de handicap, mais à cela s'ajoute un environnement maltraitant ou négligent qui peut aggraver ses problèmes de santé. Ces enfants ont également des besoins spécifiques liés aux traumatismes qu'ils ont vécus et que certains qualifient d'expériences adverses. Quant à moi, je préfère parler d'expériences négatives, de traumatismes, de violences et de négligences subies. Ainsi, ces enfants ont à la fois plus de besoins et sont moins bien soignés, ce qui constitue une iniquité de traitement et d'accès aux soins et à la prévention. Cette situation est non seulement éthiquement inacceptable, mais coûteuse. Comme le disait ma grand-mère, il y a du pas cher qui coûte cher. En dépensant moins maintenant, nous finissons par dépenser beaucoup plus par la suite pour des soins somatiques et psychiques. La santé mentale a en effet des conséquences à court, moyen et long termes sur la santé physique, ainsi que sur les comportements agressifs. Les coûts à long terme sont donc très élevés, alors qu'il existe des leviers pour agir.

Lorsque nous abordons la question de la santé, nous nous référons à la santé globale, telle que définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui englobe les dimensions somatique, psychique et sociale, lesquelles sont indissociables. Deux programmes de parcours de soins ont été initiés par le CNPE et ont connu un développement significatif. Il s'agit tout d'abord du programme Pégase (programme d'expérimentation d'un protocole de santé standardisé appliqué aux enfants ayant bénéficié avant l'âge de 5 ans d'une mesure de protection de l'enfance), qui vise à fournir aux enfants des soins spécifiques dès leur prise en charge et jusqu'à leurs 7 ans, même s'ils quittent la pouponnière. Ensuite, le programme « Santé protégée » mérite également notre attention. En tant que médecin hospitalier et coordinatrice d'une UAPED, j'ai pu collaborer avec un médecin référent en protection de l'enfance, ainsi qu'avec le département. Ce programme, que nous avons présenté dans le cadre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018, a été largement soutenu et co-porté par la DGCS. Actuellement en phase d'expérimentation, il concerne les enfants de 0 à 18 ans. Nous souhaitons vivement étendre cette prise en charge jusqu'à 21 ans, car il est impensable d'abandonner les enfants à 18 ans. Nous devons même les accompagner bien au-delà de 21 ans, tant sur le plan financier qu'affectif et psychique. L'expérimentation fonctionne sur la base d'idées d'une simplicité extrême, avec un forfait très modeste de 430 euros.

Il est essentiel de coordonner les soins car, sans une personne dédiée pour suivre l'enfant, son dossier de soins risque de se disperser. Il faut pouvoir suivre les préconisations du médecin, vérifier leur application et s'assurer que les rendez-vous sont honorés. Il est impératif de voir le médecin chaque année pour réaliser des bilans, conformément à la loi du 14 mars 2016. Cette loi dispose que les enfants protégés doivent bénéficier d'un bilan d'entrée, d'un bilan annuel et, pour les moins de 2 ans, d'un bilan bisannuel. Cependant, elle n'est appliquée que pour un tiers des enfants, et pas de manière uniforme. En effet, les enfants confiés bénéficient de ces bilans, mais pas ceux qui font l'objet de mesures à domicile. Il est crucial de remettre la prévention par les médecins traitants au cœur des familles et auprès des enfants. Ces bilans doivent aussi être revalorisés. Depuis juillet 2022, le bilan d'entrée a déjà été revalorisé par la sécurité sociale, mais il faudrait que tous les bilans obligatoires le soient également, à hauteur de 46 euros, pour que le médecin puisse y consacrer le temps nécessaire. Des pédiatres réalisent ces bilans dans quatre départements et à la PJJ de Loire-Atlantique. Il est également nécessaire de graduer les soins en réintégrant les professionnels de ville, tant en médecine générale qu'en pédiatrie, ainsi que les professionnels de la santé mentale précoce. Le rapport issu des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant sera présenté vendredi prochain.

Les parcours de soins occupent une place importante en pédiatrie, notamment pour la santé des prématurés. Nous avons démontré en vingt ans que nous pouvions réduire la mortalité. Ce modèle, dont l'efficacité est prouvée, sert de référence. Il est essentiel de pouvoir offrir des soins très précocement, même lorsque des mesures ont été décidées mais qu'elles ne sont pas encore exécutées. Vous savez en effet que de nombreuses mesures ne sont pas immédiatement mises en œuvre en raison de diverses difficultés. Les soins en santé mentale précoce, tels que ceux dispensés par les psychologues, ergothérapeutes et psychomotriciens, sont disponibles. Malgré les déserts médicaux, les professionnels de ville, initialement perçus comme un obstacle, ont répondu présents. Ils sont débordés mais engagés. Je pourrai vous fournir des chiffres pour illustrer leur implication. L'hôpital joue également un rôle crucial, en collaboration avec les familles qui attendent une meilleure prise en charge de la santé de leurs enfants. Lorsqu'un enfant est confié, les familles reçoivent des nouvelles régulières sur sa santé. Je peux bien entendu vous fournir tous les documents relatifs à ces dispositifs.

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