Le troisième axe du plan Marshall pour la protection de l'enfance que vous préconisez comporte la révision des modalités d'évaluation et de mise à l'abri des MNA sur le territoire national. En 2023, le nombre de MNA a fortement augmenté, atteignant 19 370, contre 14 782 en 2022. On observe également une hausse significative du nombre de jeunes filles MNA, passé de 612 en 2017 à 1 613 l'année dernière. Certains, avec qui je ne suis pas nécessairement d'accord, suggèrent que la gestion et la prise en charge des MNA soient transférées à l'État. Quelle est votre position à ce sujet ?
Depuis 2012, la loi oblige les départements à transmettre au niveau national les données clés de chaque jeune protégé, via le dispositif Olinpe (observation longitudinale, individuelle et nationale en protection de l'enfance). Cependant, à ce jour, une dizaine de départements seulement respecte cette obligation chaque année et plus de la moitié n'ont jamais transmis de données en dix ans. Nous évoquions précédemment le risque que l'État et les départements se renvoient la balle, mais ici, ce sont les départements et leurs prestataires informatiques privés qui se renvoient la responsabilité. Actuellement, aucun indicateur fiable et actualisé ne permet de suivre à l'échelle nationale le parcours des enfants de l'ASE. Il est impossible de savoir combien d'entre eux sont hébergés à l'hôtel et comment évoluent les alertes sur les mineurs en danger ou les placements de très jeunes enfants. Le registre national de suivi des enfants protégés est quasiment vide. Nous sommes contraints de marcher à l'aveugle. Le pilotage de la politique publique de protection de l'enfance est totalement défaillant, faute de données nationales récentes permettant de mieux comprendre et anticiper les évolutions en cours.
Le ministère du travail, de la santé et des solidarités a lancé, en fin d'année dernière, un comité stratégique associant départements, administrations et associations. Il a missionné le cabinet d'audit Mazars pour établir un état des lieux d'ici le mois de mars. La ministre Sarah El Haïry avait affirmé qu'un plan d'action serait défini à l'issue de ce délai. Parmi les pistes évoquées, figurait le choix d'un prestataire unique à l'échelle nationale ou l'harmonisation des fonctionnalités des logiciels existants grâce à un label. Disposez-vous d'informations concernant l'audit du cabinet Mazars ? Quelle piste a été retenue ? Il est urgent d'agir.
Selon Michèle Créoff, aucune loi de protection de l'enfance n'est appliquée, ni la loi Taquet, ni la loi Rossignol du 14 mars 2016, ni même celle du 5 mars 2007. L'État négocie avec les départements pour qu'ils appliquent les textes de la République. C'est l'accord passé depuis la décentralisation. L'État a-t-il les moyens juridiques, financiers ou politiques de contraindre les départements à mettre en œuvre les lois de protection de l'enfance ? Que pensez-vous de la renationalisation de cette compétence, demandée par des associations et des professionnels et qui avait été envisagée par l'ancienne secrétaire d'État chargée de l'enfance Charlotte Caubel ?