Intervention de Émilie Delorme

Réunion du lundi 27 mai 2024 à 14h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Émilie Delorme, directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Paris :

S'il ne s'agissait que d'empêcher une poignée de personnes de nuire, on aurait déjà résolu la question. Or le problème est systémique et met en jeu les mêmes mécanismes que ceux existant dans le cinéma ou la littérature, qui imposent le silence – le fameux « tout le monde le sait et rien ne se passe » – et protègent les agresseurs, à qui on continue de remettre des médailles et de rendre les plus grands hommages. Les femmes développent des stratégies de contournement ; ce que nos professeurs enseignent aux élèves, malheureusement, ce sont les listes des personnes avec qui ne pas monter dans un ascenseur, avec qui ne pas aller boire un verre ou à qui ne pas répondre quand on reçoit un SMS.

Nous en sommes là parce que le système est ultra sélectif. L'enseignement supérieur de la musique, en France, est concentré dans deux CNSMD, alors qu'il y a vingt-trois écoles supérieures de musique en Allemagne et six en Belgique. Avec seulement deux établissements, le système français est extrêmement sélectif : il faut être prêt à tous les sacrifices pour arriver en haut – c'est du moins l'image qu'en ont les étudiants. De plus, le monde professionnel se caractérise par une précarité encore plus importante en raison du mode de fonctionnement des ensembles et des compagnies. Un directeur artistique est en mesure de procurer des emplois aux artistes. Cela fragilise beaucoup ces derniers et empêche que la parole se libère.

Par ailleurs, dans le domaine artistique, on travaille sur les émotions, sur l'intime, sur le corps. Cela peut créer de la confusion chez certains et mener à des dérives graves. Dans certaines disciplines, les classes sont mixtes, par exemple dans les conservatoires. Or, sur scène, les femmes disparaissent. J'ai reçu plusieurs témoignages de vies brisées par ces violences au moment des études ou au début de l'insertion professionnelle. Il faut donc agir, et nous plaçons beaucoup d'espoirs dans votre travail.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion