Il n'y a eu ni suspension, ni exclusion d'artistes intervenant au CNSAD. Avant que je devienne directrice, il est toutefois arrivé que les élèves alertent la direction au sujet d'un intervenant qui avait déjà travaillé au conservatoire et qui devait y revenir : ce sont des étudiants d'une autre école qui les avaient mis en garde. Or, s'il est très précieux que les élèves de différentes écoles communiquent entre elles et eux, ce n'est pas leur rôle de gérer ce genre de situation. Nos étudiantes et étudiants viennent d'écoles privées, de conservatoires d'arrondissement, de conservatoires régionaux, de classes égalité des chances : certains de ces établissements font ce qu'il faut, mais ce n'est pas le cas dans tout le territoire, loin de là. Or je trouve très violent que ce soit aux élèves de faire ce travail, qui consiste à prendre soin des autres. L'année dernière, nous avons su après-coup qu'un élève qui avait été reçu au concours posait un problème. Nsous avons été alertés par une école, mais tardivement ; cet élève n'est pas entré au conservatoire.
Vous nous interrogiez tout à l'heure sur les raisons du silence terrible qui a dominé pendant des décennies. Je suis actrice, j'ai été une jeune élève de cours de théâtre, puis j'ai moi-même été élève au conservatoire ; je pense qu'il y a un gros travail à faire sur le répertoire. Il ne s'agit pas de ne plus le jouer, mais il faut le questionner, car il induit un rapport entre les hommes et les femmes qui est un peu vertigineux. Il n'a jamais été dégenré mais il commence à l'être et je crois que cela constitue une ouverture énorme, aussi bien au sein de l'école que sur les plateaux de théâtre. Il y a des années, alors que je jouais une pièce de Shakespeare dans un théâtre qui avait mis cet auteur à l'honneur, j'ai voulu calculer combien de femmes – actrices, intermittentes – allaient travailler dans ce théâtre pendant un an : j'en ai compté quinze, pour une centaine d'hommes. Cela fragilisait indéniablement les femmes.
Les choses sont en train de changer. Au conservatoire, nous travaillons par exemple à mettre en avant le matrimoine, tout le répertoire invisibilisé. Les récits sont fondamentaux : faire la part belle aux autrices, c'est changer notre vision du monde.