On pourrait avoir une vision colbertiste de la filière betteravière, mais nous ne sommes pas dans une économie complètement administrée : même à l'époque des quotas sucriers où les volumes globaux étaient contingentés, chaque groupe industriel restait maître de sa stratégie. Dans un environnement rendu plus concurrentiel par la suppression des quotas, les groupes ont fermé des usines pour concentrer la production dans certains sites et assurer la rentabilité à long terme de leur outil industriel : ils estimaient que leurs sucreries étaient plutôt sous-dimensionnées par rapport à certains mastodontes européens. Le contexte économique a été très fluctuant mais, à l'époque, la filière et l'administration s'accordaient à penser qu'il fallait supprimer les quotas, pensant avant tout aux exportations.
Des travaux sont en cours sur la laine et le lin. L'État aide à la constitution de la filière lin par le biais du plan de relance. Il s'agit de créer des unités de transformation en France, au lieu d'exporter la matière première en Chine et d'importer le produit fini. Quand les concurrents sont chinois, il faut du temps pour finaliser des projets qui nécessitent de la matière grise, de l'ingénierie et un tour de table financier.
Un travail similaire a été entrepris plus récemment sous l'égide de FranceAgriMer pour constituer une filière laine et valoriser la matière première sur le territoire national. On ne va pas inverser d'un coup de baguette magique une tendance installée depuis une vingtaine d'années. Quand l'État et la filière partagent une même vision stratégique, il est possible de s'inscrire dans le long terme et de soutenir les projets par des financements publics issus notamment du plan de relance ou du plan France 2030. Si l'État joue son rôle en matière d'accompagnement, il faut aussi qu'une dynamique collective émerge à l'intérieur de la filière de la part des acteurs impliqués dans l'aval.