Je comprends votre sentiment car, en particulier dans le domaine des protéines végétales, plusieurs plans successifs ont été élaborés au cours des dernières années. Lors de la dernière stratégie nationale en faveur du développement des protéines végétales, les travaux ont d'ailleurs commencé par un diagnostic sur l'échec des plans antérieurs, ce qui a conduit à un changement de méthode. Ce plan a été élaboré en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, les interprofessions et les chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).
Au cours du travail préparatoire avec ces différents acteurs, il est apparu que les plans antérieurs étaient trop focalisés sur l'amont agricole, sans forcément beaucoup de moyens associés, et que deux composantes avaient été négligées : la recherche, notamment en génétique ; les débouchés en aval. En termes de recherche, ces végétaux riches en protéines pâtissent d'un déficit historique, contrairement aux grandes cultures mieux valorisées comme le blé, la betterave et autres, ce qui a nui à la création de variétés performantes du point de vue économique et environnemental. Il est apparu aussi que l'insuffisante prise en compte des débouchés en aval a eu des répercussions négatives sur l'amont : à bien des égards, c'est l'aval qui tire l'amont. La nouvelle stratégie protéines, qui bénéficie des moyens du plan de relance et des outils de la planification écologique, prend désormais en compte ces deux composantes jusqu'alors négligées. Elle s'inscrit aussi dans un changement d'échelle puisqu'il a été décidé de doubler les aides couplées aux cultures riches en protéines pendant la période de mise en œuvre du plan, ce qui va se traduire par une montée en puissance progressive entre 2023 et 2027.
S'agissant de la filière de la betterave, la suppression des quotas sucriers répondait à une demande des producteurs français – je m'en souviens très bien car, à l'époque, j'occupais le poste de M. Michel à Bruxelles. Ils pensaient tirer avantage de la suppression des quotas aussi bien sur le marché intérieur que sur celui des pays tiers, car la filière française était la plus compétitive d'Europe. Considérant que les quotas constituaient une forme de soutien aux prix et donc de subvention à l'égard des producteurs européens, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) leur avait interdit d'exporter vers des pays tiers. Les producteurs français et allemands étaient donc favorables à la suppression des quotas sucriers, mais celle-ci s'est d'abord traduite par une surproduction et une baisse des prix, avant que la crise du covid-19 et la guerre en Ukraine ne provoquent une remontée des cours à un niveau historiquement élevé.
Même si vous l'estimez en déshérence, c'est une belle filière qui reste exportatrice, y compris vers l'Union européenne : elle fournit en particulier les marchés du sud de l'Europe. Elle n'est d'ailleurs pas livrée à elle-même en matière de décarbonation : tous les grands opérateurs de cette filière ont soumis des projets au guichet gouvernemental. Cet accompagnement dépasse d'ailleurs le secteur agricole et agroalimentaire car il concerne les cinquante sites industriels les plus importants du pays.