Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé, ancienne ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

Monsieur Isaac-Sibille, la loi HPST avait été précédée d'un travail préparatoire d'une ampleur extraordinaire. Pendant deux ans, sous l'égide de la commission présidée par Gérard Larcher, nous avons réuni toutes les parties prenantes. Gérard Larcher, alors président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a d'ailleurs largement contribué à ce processus. Il a même été affirmé à l'époque que cette loi avait été conçue par la FHF.

Nous avons repris presque exclusivement le travail effectué par les hospitaliers, notamment à travers les états généraux de l'organisation des soins, qui ont mobilisé la médecine de ville, ou le travail élaboré par la commission Ritter sur les ARS. Ce furent deux années de travail collectif – j'invite d'ailleurs les futurs législateurs à adopter cette méthode – pour élaborer une loi aussi consensuelle et opérationnelle que possible. À cette époque, tous s'accordaient à dire que le modèle idéal de fonctionnement d'un hôpital était celui des Espic, anciennement appelés « établissements privés participant au service public hospitalier » (PSPH). Toutefois, l'arbitrage a conclu qu'il serait impossible de surmonter les accusations de privatisation de l'hôpital public. Le Président de la République a donc tranché contre cette idée, bien qu'elle fût soutenue par tous les experts en gestion hospitalière.

Ceux qui ont accusé les ARS de vouloir privatiser ou étatiser le système de santé se trompent. Le rôle de l'État est absolument indispensable dans le domaine de la santé. Il en est à la fois le gestionnaire et le garant. Vous êtes invités à discuter des lois de financement de la sécurité sociale, précisément parce que cette responsabilité incombe à la fois au législateur et à l'exécutif.

Les ARS ont été créées avec le consensus de toutes les forces politiques présentes à l'Assemblée nationale. Aucun parti politique ne s'est opposé à leur mise en place. L'objectif consistait à décloisonner le système de santé et à introduire le concept de « fongibilité asymétrique », permettant de passer du sanitaire au médico-social – mais jamais l'inverse – et du curatif au préventif – mais jamais du préventif au curatif.

Le Président Sarkozy avait fixé un objectif ambitieux, consistant à augmenter les dépenses de prévention en santé, qui représentaient alors 7 % des dépenses de santé, pour atteindre un peu plus de 10 %. Ce concept est au cœur de la loi, notamment à travers l'éducation thérapeutique et les équipes d'éducation thérapeutique. La question de la composition et du financement de ces équipes, ainsi que leur pilotage par des agents de santé autres que des médecins, relève du domaine réglementaire. Les ARS ont été conçues pour décloisonner un système fonctionnant en silos. Le pilotage actuel est désormais centralisé par les ARS, qui regroupent sept services, dont les caisses primaires et régionales d'assurance maladie, les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales et les maisons régionales de santé.

La situation est-elle pour autant totalement satisfaisante ? Je pense que nous ne sommes qu'au début du chemin dans ce domaine et que le procès intenté aux ARS face aux difficultés de la crise de la covid-19 est largement exagéré. On leur a imputé tous les maux, dans la mesure où, effectivement, les crises sanitaires sont toujours complexes à gérer dans un système fonctionnant en ordre de marche classique. Bien sûr, des insatisfactions existent et des erreurs peuvent être commises, mais elles ont tenu le choc. Je dois d'ailleurs reconnaître que les agents des ARS, qui se sont dévoués corps et âme, souvent au détriment de leur famille, ont parfois ressenti une profonde injustice face aux critiques. De plus, des enjeux de pouvoir sont également intervenus dans cette affaire. Certains « grands féodaux » auraient souhaité prendre le contrôle des ARS, mais je m'y suis fermement opposée.

Ensuite, en 2007, nous estimions qu'il y avait environ cinquante mille lits excédentaires. Cependant, la question des lits ne se limite pas au mobilier, mais concerne principalement le personnel. En cas d'épidémie, il est crucial de disposer de personnel formé, car les lits peuvent toujours être trouvés. Actuellement, nous ne pouvons pas faire apparaître des médecins, des réanimateurs, des anesthésistes ou des infirmières spécialisées du jour au lendemain. Cela nécessite un travail de fond et une formation rigoureuse. L'idée des lits implique donc une préparation préalable, axée sur la formation des personnels, l'attractivité des métiers et la capacité à surmonter, dans une société hédoniste, le contact glaçant de la souffrance et de la mort. Permettez-moi une note personnelle : lorsque j'ai installé dans le salon familial les dépouilles mortelles de mon père et de ma mère, en majesté, on m'a dit qu'il était dégoûtant d'avoir un cadavre chez soi. Cela illustre bien la société dans laquelle nous vivons.

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