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Intervention de Pr Jean-Marc Baleyte

Réunion du jeudi 16 mai 2024 à 11h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Pr Jean-Marc Baleyte, chef de service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital intercommunal de Créteil :

Oui, il est crucial de ne pas séparer l'éducatif, le social et le soin dans le domaine de la psychiatrie. Cela ne signifie pas que nos modèles sont identiques. Je comprends bien ce que sont un soin psychiatrique et une action éducative. Nos actions sont extrêmement synergiques ou peuvent devenir contradictoires. Par exemple, si je travaille avec un enfant ayant des troubles de l'attachement, mon diagnostic de troubles de la personnalité et de dépression associée ne sera efficace que si j'aide les éducateurs à prendre en charge cet enfant, en tenant compte de ces observations. Il est essentiel d'aborder la dépression et les troubles de l'attachement en garantissant à l'enfant la solidité des structurations et des liens autour de lui. On lui annonce ce qu'on va faire, qui il va rencontrer, pourquoi il est dans ce lieu, et on assure de la continuité et de la cohérence par rapport à son parcours antérieur. De même, le psychiatre peut aider l'éducateur, le foyer ou l'équipe d'action éducative en milieu ouvert (AEMO). Ces équipes sont indispensables pour le psychiatre, surtout dans des situations complexes comme celles des pouponnières et des bébés. Il est essentiel d'engager des interventions psychologiques, éducatives et sociales, comme nous le faisons dans notre hôpital de jour, à l'unité de parentalité parent-bébé. Pendant les grossesses, les familles et les mères sont particulièrement disponibles, ce qui permet des interventions efficaces de psychologues, à condition que ceux-ci soient en nombre suffisant. Nous sommes souvent débordés par le nombre de situations psychopathologiques graves. Les mères et les familles nécessitant un accompagnement socio-thérapeutique peuvent bénéficier de notre unité de parentalité parent-bébé en hôpital de jour, avec des demi-journées d'accueil par semaine.

Nous cherchons à éviter les hospitalisations prolongées en favorisant un retour rapide dans l'environnement habituel grâce à l'aide des unités mobiles. Je n'ai pas de position a priori sur le retour des enfants dans leurs familles. Chaque cas est singulier et nécessite une évaluation fine. En France, nous sommes parfois trop attachés à la filiation biologique. Dans certains cas, il est nécessaire que la société prenne des décisions au nom des droits de l'enfant. Dans certaines situations, remettre un enfant dans sa famille d'origine après des années peut en effet être catastrophique. Le travail d'évaluation des unités mobiles est crucial pour un diagnostic de situation sans lequel on ne peut pas soigner efficacement un enfant. Les hospitalisations à temps complet ne sont pas idéales. Par exemple, un adolescent dans le Val-de-Marne a été exclu de plusieurs foyers et le service d'urgence du département ne voulait plus le reprendre parce qu'il avait blessé deux éducateurs. Nous avons mis en place un groupe d'appui aux situations complexes, réunissant vingt-cinq personnes de divers services pour travailler ensemble. Ce jeune va mieux maintenant et garde sa place dans un foyer grâce à des réunions trimestrielles avec tous les partenaires. Les hospitalisations doivent être pensées et travaillées en amont, avoir du sens pour les éducateurs, la famille d'accueil et le jeune lui-­même, et être de très courte durée.

Concernant l'UAPED, nous en avons une en cours de création grâce à des élus très actifs. Cette salle permet aux psychologues d'accompagner le recueil des dépositions des enfants et de leurs familles, et d'orienter vers des prises en charge appropriées.

Pour répondre à la question sur la démographie des professionnels de santé, nous sommes quarante-neuf professeurs de psychiatrie en France, avec un taux d'encadrement des futurs psychiatres d'un pour trente-cinq, contre un pour quatre ou un pour six dans d'autres spécialités. L'investissement dans la formation des professionnels manque. La situation change doucement, mais pas à la hauteur des besoins. Or la baisse de la démographie psychiatrique s'accentuera dans les dix prochaines années, tandis que les psychologues sont insuffisamment valorisés. Il faudrait créer des postes de psychologues coordonnateurs d'équipe pour valoriser les professionnels expérimentés. Il y a des bricolages de génie, mais ils dépendent trop souvent de la qualité des liens entre les personnes. Nous devons donc nous doter de lignes de conduite nationales et d'exigences valant dans tous les départements pour les dispositifs psychiatriques consacrés aux enfants de l'ASE. Il faut des politiques volontaristes et des référentiels clairs, incluant des dimensions d'intervention, de formation et de questionnement sur les modalités d'intervention. Les délais d'attente de trois ans dans certains centres médico-psychologiques sont inadéquats, surtout pour les bébés.

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