Concernant le travail avec les services de protection de l'enfance, j'ai tenté de répondre précédemment en expliquant qu'avec la stratégie de protection de l'enfance et son volet de contractualisation, nous avons cherché à renforcer et formaliser les liens existants. Pour la première fois, nous disposons d'un document contractuel entre le département, l'État, le préfet et l'ARS. Ce document n'est pas seulement symbolique puisqu'il implique des flux financiers de l'ARS vers le département à deux titres, le FIR pour la protection maternelle et infantile, d'une part, et 50 millions d'euros pour l'accompagnement médico-social afin de développer des solutions spécifiques pour les enfants à double vulnérabilité, d'autre part. Cela a donné lieu à des initiatives très enrichissantes sur le terrain, dont nous pourrons vous fournir quelques exemples. La rapporteure l'a expliqué tout à l'heure. Nous sommes pleinement convaincus de la nécessité de cette coopération. Le secteur médico-social, responsable en première intention, au moins en ce qui concerne le handicap de ces enfants, doit pouvoir soutenir la collectivité à laquelle est confiée l'éducation de cet enfant, compte tenu des défaillances ou des difficultés au sein de la famille. Cela représente 100 millions d'euros. Nous devons pouvoir faire davantage et nous attendons les conclusions de la mission de Stéphane Haussoulier pour pouvoir nous appuyer sur celles-ci. Il est vrai que ce n'est pas évident.
Le dialogue entre départements et ARS est parfois complexe en raison d'enjeux politiques, mais il est constant. Il était nouveau sur la protection de l'enfance, mais nous avons une expérience de ce dialogue sur d'autres sujets. Concernant le handicap de manière générale, ainsi que le grand âge, nous entretenons des relations très suivies. Il y a des hauts et des bas, je vous l'accorde. Aujourd'hui, les compétences sont partagées. Elles le seront toujours, car il y aura toujours une responsabilité sanitaire, notamment en direction des personnes en situation de handicap, qui sera assumée par l'État et la sécurité sociale. Nous essayons de nous améliorer. Je crois que ces dernières années, nous avons progressé.
Sur les sujets de maltraitance, puisque vous avez évoqué ce sujet, madame la députée, nous avons également avancé. La loi Taquet a introduit dans le code de l'action sociale et des familles la notion de maltraitance, en particulier pour les personnes en situation de vulnérabilité. Récemment, vous avez voté la loi « Bien vieillir », qui était initialement une proposition de loi. Cette loi comporte des dispositions très importantes en matière de signalement. Elle a notamment prévu une base légale pour un système d'information centralisé de signalement de toutes les maltraitances, confié aux ARS. Actuellement, un département est responsable des situations de maltraitance, bien qu'il soit à la fois juge et partie, ce qui complique les choses. C'est parce que l'enfant est victime de maltraitance qu'on le retire de sa famille pour le placer. Le système des cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip), dont nous nous sommes inspirés pour créer cette cellule de maltraitance, qui concernera les adultes, semble fonctionner et produire des résultats. En ce qui concerne la maltraitance dans un foyer, c'est le contrôle interne du conseil départemental qui doit intervenir.
Pour répondre directement à votre question, seule la ministre peut saisir l'Igas. Des rapports très importants sur l'enfance au sens large ont été produits ces dernières années. Bien que ce ne soit pas exactement le sujet, il est pertinent de le mentionner. Le rapport réalisé par l'Igas l'année dernière en matière de petite enfance a permis de sensibiliser sur la qualité de la prise en charge des enfants au sein des EAJE. Pour moi, la maltraitance engage la responsabilité du président du conseil départemental si les choses se passent mal dans un établissement qui est sous sa responsabilité.
Je comprends, madame la députée, ce que vous dites sur la question de l'attractivité des métiers. La dégradation des conditions de travail affecte les professionnels, ce qui dégrade à nouveau les conditions de travail. Cette analyse est pertinente. La ministre a souligné dans sa communication et son action l'importance des métiers du lien, du soin et de l'humain, qui connaissent tous une crise de vocation significative, probablement nourrie par des conditions de travail dégradées. Pour enrayer ce cercle vicieux et en faire un cercle vertueux, il est nécessaire d'intervenir de manière forte et coordonnée entre l'État, les départements et d'autres acteurs, comme les ARS. Il faut recréer des conditions d'accueil satisfaisantes et imposer des normes réalistes, en tenant compte de la réalité concrète vécue par les départements aujourd'hui. Je ne suis pas certain que cela suffise à provoquer le renversement souhaité.
Concernant les contrôles, ils sont insuffisants en raison d'un manque de moyens de l'État et d'une méconnaissance des modalités d'intervention dans ce domaine. Nous avons pris la mesure de cette difficulté et essayé de la résoudre. Il y a deux ans, le nombre d'ETP consacré aux fonctions d'inspection et de contrôle dans les DREETS et les DEETS était de cinquante-cinq en France, couvrant l'ensemble du champ des ESMS, à l'exception de la protection de l'enfance. Ces ESMS relèvent de la responsabilité de l'État. Il n'est pas surprenant que nous ayons réalisé trente-neuf contrôles ; je dirais même, avec une pointe d'ironie, que ce n'est pas si mal d'avoir effectué trente-neuf contrôles en cinq ans. Nous faisons face à un enjeu de renforcement des moyens, et nous avons agi en ce sens. Une vingtaine d'ETP supplémentaires ont été affectés aux DEETS et aux DREETS pour renforcer les missions d'inspection et de contrôle, via le programme 124. Nous avons également mis en place des formations et préparons la diffusion d'une instruction pour rappeler les méthodes et obligations de contrôle en matière de protection de l'enfance. Ce cycle de formations est particulièrement utile pour les agents des DEETS et des DREETS. Depuis que cette politique est décentralisée, soit depuis plus de quarante ans, la compétence s'était quelque peu perdue. Les DEETS ont parfois été surprises que l'on se tourne vers elles sur ce sujet ; nous avons dû leur rappeler qu'un certain nombre d'obligations incombaient toujours à l'État. Nous avons entrepris ce travail de réarmement modeste mais réel de l'État en termes de moyens et de compétences.
Vous m'avez interrogé sur les décrets pris ou non en matière de protection des enfants, en lien avec la loi du 7 février 2022. Sur les dix-sept mesures à prendre, nous en avons déjà adopté quatorze, il en reste donc trois à finaliser. Le premier projet de décret, en cours de concertation, concerne le retrait et la délivrance des agréments, notamment pour les assistants maternels et familiaux en cas de faits de violence. Le deuxième projet de décret est relatif à la base de données qui doit être mise en place par le GIP France enfance protégée pour recenser l'ensemble des agréments. Un autre projet de décret concerne l'enregistrement des adoptions, qui sera également géré par le GIP. Si nous avons pris du temps sur ces deux décrets, c'est parce que nous avons travaillé avec le GIP pour définir un référencement unique, validé par la Haute autorité de santé (HAS). Ce processus a été finalisé début 2023.
Concernant la transparence du GIP, les textes votés ne prévoient pas la participation de parlementaires au sein de sa gouvernance, déjà très complexe, composée de nombreux présidents de conseils départementaux ou de représentants nationaux. Le GIP n'a rien à cacher et publie un rapport d'activité. Je suis disponible pour répondre à toutes les questions sur le fonctionnement du GIP. Bien que la présence de représentants parlementaires soit parfois envisagée, ce n'est pas le choix qui a été fait ici. Vous pouvez toutefois revenir sur cette décision si vous le souhaitez.
Pour répondre à M. Guiraud concernant la situation du département du Nord, j'ai vu les photos de l'ancien hôtel que vous avez mentionné. J'ai été choqué par ce que j'ai constaté. La ministre a exprimé sa désapprobation en se déplaçant immédiatement. Pour être franc, j'éprouve des difficultés à blâmer totalement le département du Nord, qui fait face à des défis majeurs en matière de protection de l'enfance. Le nombre d'enfants protégés dans ce département est vertigineux. Toutefois, cela ne justifie pas de manquer aux obligations légales et réglementaires imposées au département. Nous assistons le préfet et attendons de lui qu'il se rapproche du conseil départemental pour traiter ce cas. Nous avons pris connaissance de ces faits de manière indirecte, via un tract de l'organisation syndicale Sud. Dès le début, nous avons pris ces informations au sérieux, mais il a été nécessaire de les documenter davantage. Il semble que ces faits soient avérés. À ce jour, je ne dispose pas d'éléments supplémentaires, mais si j'en obtenais, je vous les transmettrais sans hésitation. Je ne souhaite pas entrer dans le débat sur la nature des hôtels concernés. Je n'ai pas encore ces informations, mais sachez que, grâce aux leviers évoqués précédemment, tels que le contrôle de légalité et les inspections, nous avons les moyens de vérifier l'application des dispositions légales par les départements, avec ou sans le concours du conseil départemental. Nous n'hésiterons pas à exercer ces contrôles, car, sans vouloir dramatiser, je partage les préoccupations exprimées par l'ensemble des intervenants. Les situations sont parfois d'une gravité extrême et les enjeux, notamment pour les enfants concernés, sont considérables. Cela mérite notre engagement total.