Je vais rappeler brièvement le rôle de la DGCS dans cet écosystème.
Selon le décret du 25 janvier 2010, la DGCS conçoit, pilote et évalue les politiques de solidarité de manière très large. Ce décret précise également qu'elle est chargée du développement et de la réglementation des modes de garde, de la protection de l'enfance et du soutien à la parentalité. C'est en vertu de ces compétences étendues en matière de solidarité, de politique familiale et de l'enfance que la DGCS intervient sur le sujet de la protection de l'enfance. Comme rappelé en introduction, cette politique est décentralisée et relève principalement de la responsabilité des départements. La DGCS se trouve ainsi souvent dans une position paradoxale, étant une direction d'administration centrale. Ce paradoxe s'applique à presque tous les sujets traités par la DGCS, qu'il s'agisse du grand âge, du handicap, de la lutte contre la pauvreté ou des minima sociaux. Nous interagissons systématiquement avec les collectivités territoriales, notamment les départements, qui sont chefs de file en matière de politiques sociales.
Notre intervention s'articule autour de trois vecteurs principaux. Premièrement, la réglementation. La mission première de la DGCS consiste à contribuer, par son expertise technique, ses propositions et la rédaction de textes d'application de la loi ou de décrets autonomes, au cadre juridique structurant l'action des services départementaux en matière de protection de l'enfance. Je fais une petite parenthèse pour souligner que notre rôle est essentiel dans l'élaboration de ce cadre juridique, qui guide les actions des départements. L'État a d'autres responsabilités, notamment à travers le ministère de la justice, avec la PJJ d'un côté et l'action des juges des enfants de l'autre. Ces derniers jouent un rôle essentiel, mais je ne peux pas m'exprimer en leur nom. Je suppose qu'ils seront auditionnés. Le premier point concerne la question des normes. Pour citer un exemple récent, la loi Taquet résulte d'une collaboration entre les parlementaires, les représentants de l'État et les départements. Cette loi a permis des avancées significatives, bien que l'on puisse discuter de son bilan. De nombreux décrets d'application restent à prendre, même si plusieurs d'entre eux ont été adoptés depuis le début de l'année.
Le deuxième levier d'action de la DGCS est le soutien direct aux politiques menées par les départements. À ce titre, nous disposons de moyens budgétaires, bien que limités. Les crédits alloués à la protection de l'enfance dans le cadre de l'action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » du programme 304, dont je suis responsable, s'élèvent à environ 330 millions d'euros, dont 320 millions spécifiquement pour la protection de l'enfance. Ces sommes sont substantielles, mais restent modestes comparées aux budgets départementaux, qui s'élèvent à 8 ou 9 milliards d'euros. Les départements ont considérablement augmenté leurs investissements dans ce domaine. Du point de vue de l'État, cet effort est important et a beaucoup augmenté ces dernières années. En 2019, les dépenses de l'État pour cette même action s'élevaient à 150 millions d'euros. En trois ans, elles ont plus que doublé. Cet écart budgétaire s'explique en grande partie par la mise en place d'une stratégie de protection de l'enfance et par la contractualisation en prévention et protection de l'enfance. Cette démarche, réalisée avec la majorité des départements volontaires pour la mise en œuvre de cette stratégie, doit être renouvelée dans les années à venir. Une nouvelle instruction, sur le point de paraître, refonde d'ailleurs cette stratégie de manière significative, sans en altérer les principes fondateurs. Le soutien apporté par l'État, bien que complémentaire, ne peut se substituer aux efforts des départements. Nous pouvons encourager et soutenir l'innovation, mais compte tenu de la disparité des moyens entre les départements et l'État, notre intervention reste marginale et complémentaire.
Je me dois de mentionner notre rôle de contrôle. Nous devons veiller à ce que les normes soient correctement appliquées, bien que nos leviers pour en assurer l'effectivité soient limités. En vertu des grands principes du droit administratif, nous pourrions évoquer le contrôle de légalité. Cependant, en raison de l'allègement des procédures de contrôle de légalité et de la réduction du nombre d'actes pris par les collectivités, notre intervention sur le terrain est limitée, sauf en cas de dysfonctionnement majeur. Le préfet conserve une prérogative de contrôle des ESMS, mais il doit se coordonner avec le président du département, premier responsable en la matière. Toutefois, il est tout à fait possible pour un préfet de contrôler un établissement de son ressort territorial, dans la limite des moyens d'inspection et de contrôle dont disposent les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et les directions de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DEETS). Depuis la réforme de l'organisation territoriale de l'État, nous nous efforçons de renforcer ces moyens d'inspection et de contrôle, mais ils restent limités. L'Igas dispose également de prérogatives de contrôle. Rattachée au ministère du travail, de la santé et des solidarités, cette inspection peut, de manière autonome ou sur saisine d'un ministre, réaliser des contrôles de terrain, qu'il s'agisse de structures ou de services de l'ASE au sein des départements. En miroir de notre responsabilité en termes de normes, il existe donc une action réelle, bien que perfectible, en matière de contrôle.
Le dernier levier d'intervention de la DGCS en matière de protection de l'enfance concerne la gouvernance de ces politiques, tant locale que nationale. Les comités départementaux pour la protection de l'enfance (CDPE), expérimentés dans dix départements, visent à renforcer la gouvernance locale. Actuellement, cette responsabilité incombe principalement au seul département dans 90 % des cas. Il me semble intéressant, ces prochains mois, d'observer ce que peut produire cette association des parties prenantes sur le territoire pour définir la stratégie ou examiner les situations individuelles complexes. En tout cas, la DGCS et ses services déconcentrés se sont organisés pour suivre de près l'expérimentation des CDPE et renforcer modestement la place des services de l'État, avec un agent technique principal (ATP) dans chaque département concerné, ainsi que des délégués départementaux à la protection de l'enfance. Ces derniers sont affectés dans chaque département doté d'un CDPE, afin de prendre une part active à cette gouvernance locale. Bien que rien ne soit encore acté, si les résultats sont probants, nous pourrions envisager de généraliser cette approche.
La gouvernance locale, mais aussi nationale, a été réformée en profondeur ces dernières années avec la loi du 7 février 2022 et la mise en place plus récente du groupement d'intérêt public (GIP) France enfance protégée, issu du regroupement de plusieurs structures antérieures, notamment l'ONPE, Le GIP Enfance en danger (Giped), l'Agence française de l'adoption (AFA), le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop). Ce GIP, opérationnel depuis le 1er janvier 2023, est présidé par Mme Florence Dabin, présidente de département. J'en suis vice-président, en tant que représentant de l'État, la deuxième vice-présidence revenant à Mme Martine Brousse, en tant que présidente d'association. Ce triumvirat représente une évolution importante de la gouvernance nationale : il crée les fondations de ce que nous appelons, entre nous, une maison commune des politiques de la protection de l'enfance. Cette structure réunit les principales parties prenantes que sont les départements, l'État et les associations, avec des moyens certes encore modestes, mais plus importants que ceux mis en œuvre précédemment par les organismes cités. Nous avons des perspectives de travail dans divers domaines, notamment en termes de système d'information et de référencement des bonnes pratiques, qui commencent à être mises en place. Nous débutons et il reste de nombreux sujets internes à régler au sein du GIP, tels que le statut des emplois, la consolidation des budgets et les questions immobilières. La première année a été très prenante, mais le programme de travail est particulièrement intéressant et prometteur. Nous investissons beaucoup de temps et d'énergie dans ce GIP car nous sommes convaincus que c'est par cette relation de partenariat et par la montée en puissance de ce centre de ressources que nous pouvons influencer des politiques publiques décentralisées. Je parle à cadre constant, il est essentiel de souligner que des réflexions sont en cours sur une évolution potentiellement plus radicale de la politique de protection de l'enfance. On a évoqué parfois la recentralisation. Une mission très large a été confiée à M. Éric Woerth concernant l'évolution de la gouvernance et de l'organisation des politiques sociales ; elle consacrera sans doute quelques développements à la protection de l'enfance. Cependant, n'ayant pas encore pris connaissance du rapport dans sa forme définitive, je ne suis pas en mesure de commenter ses conclusions. Ces perspectives de réforme sont néanmoins présentes dans le débat public depuis un certain temps.