Je propose que nous rédigions une contribution sur le sujet des professionnels tels que les assistants familiaux et les éducateurs.
Je vais me concentrer sur la question de la santé. Comme Diodio et Lyès, je suis également éducatrice spécialisée. J'ai travaillé pendant onze ans en protection de l'enfance. Dans la structure où j'exerçais, nous avions instauré un bilan de santé systématique à l'arrivée des enfants, incluant des consultations avec un médecin généraliste, un ophtalmologue, un dentiste, et, pour une bonne moitié des enfants accueillis, un bilan orthophonique. Cette démarche nous faisait passer pour des extraterrestres dans le département. Pourtant, cela devrait être la norme pour tous les enfants. Nous emmenions nos propres enfants chez le médecin, nous vérifions leur vue, leur audition, l'absence de caries, et nous nous interrogieons sur d'éventuels troubles d'apprentissage en cas de difficultés. Pour les enfants en protection de l'enfance, ce n'est malheureusement pas systématique. Les problèmes dentaires, par exemple, sont fréquents et souvent graves chez ces enfants. Cela se voit immédiatement. Je ne vous parle même pas des problèmes de santé psychique. La question du psycho-trauma n'est prise en compte que depuis très peu de temps par la protection de l'enfance, et nous sommes encore loin de l'envisager systématiquement. Ces enfants en souffrance sont souvent perçus à travers le prisme du dérangement qu'ils causent à l'institution ou du danger qu'ils représentent, plutôt que sous l'angle de leur souffrance.
Je souhaite attirer l'attention sur l'impuissance des professionnels, à qui je ne jette pas la pierre, car ils sont souvent laissés seuls. Et quand je dis seuls, ce n'est pas nécessairement être les seuls dans l'établissement, mais plutôt être extrêmement démunis en raison de problèmes majeurs de coordination entre les différents secteurs de l'État, notamment en pédopsychiatrie. Ayant travaillé en Seine-Saint-Denis pendant onze ans, j'ai constaté que la pédopsychiatrie y est totalement ravagée. Même lorsque nous souhaitions mettre en place un suivi pour un enfant, nous étions confrontés à des listes d'attente de neuf à dix-huit mois pour des enfants déjà en grande détresse. Si nous demandions une intervention que nous estimions urgente, on nous répondait qu'il fallait qu'il y ait un passage à l'acte.
La formation des professionnels au repérage des troubles psycho-traumatiques et à leur prise en charge quotidienne représente un chantier majeur. Ces troubles ont évidemment une incidence sur ces enfants, sur la manière dont ils entrent en relation avec les adultes, avec les autres enfants, et sur leur parcours scolaire. Nous sommes encore très loin de répondre à ces besoins.
Vous avez également soulevé la question du handicap en protection de l'enfance, que je considère comme l'impensé des impensés. Il existe extrêmement peu de structures accessibles, notamment pour les handicaps physiques. De plus, très peu de professionnels sont formés, par exemple à la langue des signes, et très peu de structures sont capables de s'adapter facilement en cas de handicap visuel. Les professionnels sont souvent démunis face à des problèmes de coordination entre les différents secteurs de l'État, la pédopsychiatrie est en crise et la question du handicap en protection de l'enfance est largement négligée. Nous faisons face à une pénurie de structures spécialisées dans l'éducation nationale, ce qui contraint certains enfants à partir en Belgique pour être accueillis dans des établissements adaptés.
Lorsque l'on aborde des troubles tels que l'autisme ou les déficiences intellectuelles, il devient impératif de coordonner le service de protection de l'enfance avec l'agence régionale de santé, dans un système où les places manquent cruellement des deux côtés. Nous sommes alors confrontés à des situations dramatiques où des enfants se retrouvent dans des établissements totalement inadaptés à leurs troubles. Je pense notamment à un petit garçon dans le Val-de-Marne, souffrant de troubles autistiques majeurs, accueilli dans un établissement inadapté à ses besoins. Cet enfant est en grande souffrance, tout comme les autres enfants accueillis avec lui. Il n'y a pas de place disponible et il faut attendre qu'un autre enfant passe dans une structure pour adultes ou décède pour qu'il puisse être admis dans un établissement adapté. La question du handicap représente donc un enjeu majeur en matière de protection de l'enfance.