Votre présence et la constitution de ce comité marquent un tournant dans l'histoire de la protection de l'enfance. Les personnes concernées n'ont jamais eu la parole dans notre pays, et pour la première fois, elles la prennent. C'est un moment important, historique, qui nous appelle à une grande responsabilité en tant que parlementaires. Je souhaite que vos vidéos soient diffusées partout, car elles permettent de planter le décor de nos travaux.
Le constat de l'effondrement de la protection de l'enfance est largement partagé, que ce soit par les premiers concernés, les enfants placés et les anciens enfants placés, mais aussi par les professionnels de la protection de l'enfance et du travail social, ainsi que par les magistrats et les juges des enfants, submergés par des conditions de travail de plus en plus difficiles. Une partie des départements partage également ce constat, certains avec un diagnostic particulièrement inquiétant, voire raciste. Par exemple, une collègue députée a soulevé la question des pratiques illégales de certains départements, comme le refus de prise en charge des mineurs non accompagnés, ce qui est illégal et constitue un problème majeur. Face à cela, nous n'avons observé aucune remise en question, ni aucune déclaration du gouvernement, lorsque Charlotte Caubel était secrétaire d'État.
Ce qui doit nous intéresser aujourd'hui, ce sont les perspectives et les propositions pour changer cette situation et éviter d'entendre de tels récits à l'avenir. Nous sommes dans un moment où il est essentiel de politiser les enjeux de la protection de l'enfance. Ce n'est pas un gros mot, c'est extrêmement important, et c'est le mandat qui m'a été confié, qui doit être le mandat de chacun ici, avec nos propositions respectives. En tout cas, je n'ai aucune difficulté à affirmer que je fais des propositions politiques, j'en suis même assez fière.
Un conflit persiste entre les départements et l'État, comme vous l'avez souligné. Au milieu, des enfants sont pris dans ce conflit, à l'image de deux parents qui se déchirent. En tant que professionnels, nous parlons souvent de conflits de loyauté, d'instrumentalisation des enfants. Je constate que nous avons deux parents défaillants, à savoir l'État et les départements, qui se renvoient la balle. Ainsi, votre proposition de recentralisation me semble pertinente.
Par ailleurs, nous manquons d'indicateurs pour évaluer le nombre d'enfants concernés par la protection de l'enfance ; ce travail est souvent réalisé par les syndicats, suppléant ainsi aux outils de l'État. J'aimerais connaître vos propositions pour obtenir des indicateurs précis en matière de protection de l'enfance.
Une autre question soulevée concerne les aspects budgétaires. Il a été rappelé que certains départements investissent davantage, mais ces investissements demeurent insuffisants face aux besoins. Il est essentiel de partir des besoins en protection de l'enfance, et non simplement d'augmenter les budgets. Je rappelle également que certains départements réclament de nouvelles compétences, comme l'agriculture, ce qui est assez particulier dans un contexte où les compétences actuelles ne sont pas pleinement assurées.
Ensuite, je souhaitais vous interroger sur les possibilités de contrôle. J'ai bien pris connaissance de votre proposition concernant la création d'une autorité de contrôle sur le modèle de ce qui existe pour les lieux de privation de liberté, que je trouve très intéressante. Dans l'immédiat, quel pourrait être le rôle du préfet, notamment dans les départements où des placements hôteliers existent encore ? Nous avons lu des articles relatant des situations graves avec des enfants très jeunes placés en hôtel, notamment dans le département du Nord. Que peuvent faire les préfectures de manière immédiate ?
Concernant l'amélioration des conditions de travail, vous avez brièvement abordé la question des taux d'encadrement. Effectivement, nous envoyons nos enfants en colonie de vacances lorsque le taux d'encadrement est adéquat. Or, les enfants sont placés à l'ASE sans taux d'encadrement. Je souhaiterais également vous entendre sur les questions salariales, car je constate une dégradation très forte du niveau de vie des professionnels.
Enfin, je voudrais aborder une question plus large sur les changements culturels nécessaires dans notre pays, tant sur les droits des enfants que sur ce que nous, parlementaires et citoyens, pourrions faire. Existe-t-il un sursaut, similaire à celui des luttes féministes, pour comprendre que les dominations exercées sur les femmes peuvent également exister sur les enfants ? Nous n'avons pas de comptage des infanticides, mais avez-vous des pistes pour un sursaut culturel visant à prendre en compte les droits des enfants de manière différente ? Nous commençons à parler d'enfantisme. Quel est votre avis sur ce sujet ?