Permettez-moi de vous parler de la pénurie des familles d'accueil en France. En 2016, plus de 50 % des enfants étaient accueillis dans des familles d'accueil. En 2024, ce chiffre est tombé à 40 %. Cette diminution s'explique notamment par une pénurie liée à une pyramide des âges défavorable, avec une population active vieillissante qui n'est pas systématiquement remplacée lors des départs à la retraite. Actuellement, le recrutement de nouvelles familles d'accueil rencontre un frein : les services départementaux peinent à considérer qu'une personne souhaitant devenir famille d'accueil puisse conserver son emploi d'origine. Cette barrière idéologique persiste, on considère souvent qu'une mère au foyer sans emploi est la mieux placée pour s'occuper des enfants. Cette vision rend difficile l'exploration d'autres modes d'accueil pour les enfants placés, notamment en vue de délivrer des agréments pour devenir assistants familiaux.
Une proposition de loi sera examinée au Sénat à la fin du mois de mai. Elle a de bonnes chances d'être votée et j'espère qu'elle arrivera rapidement devant votre chambre. Ce texte vise notamment à permettre le cumul de l'emploi – en tout cas à le graver dans le marbre de la loi, afin de faire évoluer les pratiques départementales.
Concernant la conception même du système de protection de l'enfance, nous faisons face à une véritable problématique. Au fil de l'histoire, nous avons évolué des orphelinats aux mères nourricières. Aujourd'hui, nous parlons de l'ASE et des familles d'accueil. Cependant, nous n'avons jamais réellement défini et affirmé la mission de notre politique de protection de l'enfance – cela pourrait être l'objet de la commission d'enquête.
Pour ma part, je suis convaincu qu'une politique de protection de l'enfance digne de ce nom repose sur deux éléments concrets. Premièrement, une politique de secours aux populations, en l'occurrence les enfants, qui sont les plus vulnérables parmi nous. Deuxièmement, une politique de suppléance parentale. En envisageant la politique de protection de l'enfance à partir de ces deux éléments, nous élargissons notre cadre de pensée et pouvons plus facilement identifier les aberrations actuelles. Lorsqu'on parle de suppléance parentale, il devient immédiatement inconcevable de placer un enfant dans un foyer ou une structure collective pendant dix, quinze ou dix-huit ans. De même, il serait impensable de mettre des enfants à la rue à dix-huit ans sous le simple prétexte qu'ils ont atteint la majorité légale. Pour moi, un système de protection de l'enfance doit intégrer ces deux éléments.