Sur les différentes modalités de prise en charge, il faut retenir deux possibilités principales. La première est administrative, fondée sur un principe de contractualisation avec les parents, un principe fondamental puisque le placement judiciaire ne peut être que subsidiaire. Concrètement, si une information préoccupante est transmise au parquet et qu'il est mentionné que la famille souhaite collaborer avec les services de l'ASE, la saisine du juge des enfants ne pourra pas se faire. Il est nécessaire de démontrer le refus du parent de collaborer avec ces services ou de prouver une situation de danger extrême pour pouvoir saisir l'autorité judiciaire. C'est pourquoi le chiffre que j'évoquais précédemment concernant la répartition des mesures administratives et judiciaires est révélateur de l'absence de confiance de la population envers le système de protection de l'enfance.
Dans le cadre de la mesure administrative, il est possible d'avoir un accompagnement éducatif à domicile (AED), reposant sur un contrat entre le département et la famille de l'enfant, permettant la visite d'éducateurs de l'ASE. Souvent, ce sont des services associatifs qui se chargent du suivi et de l'accompagnement. Il existe également la possibilité d'un accueil provisoire, contractualisé avec le parent, qui confierait son enfant aux services de l'ASE. L'enfant pourrait alors être placé dans trois grandes catégories de structures : les foyers ou maisons d'enfants à caractère social, les familles d'accueil, et plus récemment, les hôtels, gîtes et campings, une situation que je trouve absolument scandaleuse.
Pour la partie judiciaire, la saisine de l'autorité judiciaire intervient dès lors que le parent refuse de collaborer avec le service de l'ASE ou que le danger est grave et immédiat pour le mineur. Le parquet transmet l'information préoccupante au juge des enfants dans un délai de deux semaines. Une audience se tient en présence de l'enfant et de sa famille. Le juge des enfants dispose de plusieurs options : ordonner l'exécution d'une AEMO ou décider d'un placement à l'ASE.
Le troisième outil à la disposition du juge, bien que peu sollicité, concerne les mesures d'accompagnement à la gestion budgétaire. Le juge peut ainsi ordonner un accompagnement budgétaire pour la famille concernée par la saisine.
De même que pour les mesures administratives, les placements dans le cadre judiciaire se répartissent principalement entre trois types de structures que sont les maisons d'enfants à caractère social, les foyers de l'enfance départementaux et les familles d'accueil. Il existe également des tiers dignes de confiance.
Ce qui est particulièrement préoccupant, et je vous renvoie aux dernières données produites par le syndicat de la magistrature, c'est que les magistrats font face à une surcharge de travail. Plus inquiétant encore, 70 % des juges des enfants peuvent renoncer à prendre une mesure de protection, conscients que les services départementaux de l'ASE ne seront pas en mesure de l'exécuter. Les données fournies par le syndicat de la magistrature n'intègrent pas les placements éducatifs à domicile. Cette pratique, inventée par les départements pour réduire les statistiques des mesures de placement non exécutées et réaliser des économies, ne figure dans aucun texte législatif.
Je rappelle que lorsqu'un juge des enfants ordonne le placement d'un enfant en danger dans sa famille, ce n'est pas pour qu'il reste dans son environnement familial, mais bien pour qu'il en soit extrait et protégé par les services compétents. Actuellement, on observe une multiplication des appels à projets pour des placements éducatifs à domicile (PEAD). En Alsace, par exemple, un appel à projets pour cent places en PEAD a été lancé l'année dernière. Il est essentiel de faire une distinction entre un placement et une mesure à domicile. Lorsqu'un juge ordonne un placement, le département ne peut pas exécuter cette décision de justice selon ses propres modalités, notamment en laissant l'enfant à domicile. Il doit exécuter la décision telle qu'ordonnée par l'autorité judiciaire. La situation actuelle est préoccupante.
Je rappelle également que le non-respect des mesures judiciaires de placement peut engager la responsabilité pénale et civile du président du département. Nous avons alerté depuis trop longtemps sur les drames susceptibles de survenir lorsque les placements ne sont pas exécutés malgré une décision de justice. Des décès récurrents en résultent. Les chiffres de l'Igas sur les infanticides d'enfants préalablement repérés par les services de l'ASE sont alarmants. Les présidents de département doivent comprendre qu'ils pourraient un jour se retrouver devant un tribunal pour ne pas avoir exécuté ces décisions de justice.