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Intervention de Martial Ze Belinga

Réunion du samedi 28 octobre 2023 à 9h05
Commission des affaires étrangères

Martial Ze Belinga, économiste et sociologue, expert associé au comité scientifique international de l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour l'histoire générale de l'Afrique :

Lorsque l'on évoque la garantie française, souvent fantasmée, il est essentiel de clarifier le fait que, sur la longue durée, ce sont les réserves africaines qui soutiennent le franc CFA. La garantie française a pu jouer un rôle transitoire mais prétendre que sans elle le franc CFA n'existerait pas serait aller à l'encontre des faits empiriques. La crise de confiance actuelle découle du fait que, la seule fois où la France a eu l'occasion de faire jouer sa garantie de manière durable, elle ne l'a pas fait. En 1994, au lieu de se substituer aux États africains, la France a laissé une dévaluation brutale de 50 % se produire. Il est donc nécessaire de nuancer le concept de garantie car celle-ci est en réalité hypothétique et conditionnelle.

Le système repose principalement sur les réserves africaines. D'un point de vue économique, si ce sont ces réserves qui garantissent la monnaie, il serait logique que la France se retire de cette garantie. Ce scénario, à mon sens, devrait être le premier envisagé car il poserait moins de questions spéculatives à la France. Les États africains pourraient alors gérer leur monnaie avec leurs propres réserves et contracter directement avec l'Union européenne pour un ancrage fixe, si souhaité, sans la garantie française.

Lorsque l'on affirme que la France s'est retirée de la gouvernance, il convient de préciser qu'en Afrique centrale, par exemple, elle reste impliquée dans la gouvernance de la CEMAC. De plus, se retirer de l'administration ne signifie pas être absent dans la gestion de la zone. Les règles cardinales, établies par la France depuis 1945, montrent que celle-ci demeure présente par le biais de ces règles. La France a administré la dévaluation, prouvant ainsi sa présence continue dans la gestion de la zone.

Pour aborder la question des sanctions, il est essentiel de la placer au premier plan. Le franc CFA, aujourd'hui, est perçu, comme l'a souligné M. Cabrillac, à l'instar du dollar avec ses privilèges d'extraterritorialité. Que s'est-il passé en Côte d'Ivoire en 2010-2011 ? Un conflit postélectoral a éclaté et la France estimait qu'un candidat avait remporté l'élection. Cependant, l'autre candidat a été investi et a prêté serment de manière tout à fait normale. La France a alors utilisé les institutions du franc CFA pour interdire l'accès aux comptes du candidat reconnu comme vainqueur. Ces faits sont avérés. Par ailleurs, les banques françaises en Côte d'Ivoire ont tenté d'empêcher le versement des salaires en fermant leurs portes en pleine semaine. Ces événements sont documentés empiriquement. Il est également important de garder en mémoire de tels événements lorsque l'on évoque les fantasmes de l'anti-France.

Le Mali, le Niger et aujourd'hui le Burkina Faso ont connu des transitions par coup d'État mais ils ont été privés d'accès à leurs comptes au sein du franc CFA, c'est-à-dire de l'UEMOA et de BCEAO. Ils n'ont plus accès à leurs comptes.

En conclusion, le franc CFA joue un rôle qui ne lui est pas statutaire car il ne devrait pas s'ingérer dans les cycles politiques, mais concrètement il le fait. Comment peut-on restaurer la confiance dans de telles conditions ? C'est pourquoi je pense que le premier scénario envisageable est que la France elle-même sorte de ce système pour éviter les externalités négatives en termes de réputation et de perspectives pour les futures élites, ce qui serait défavorable à sa jeunesse.

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