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Intervention de Martial Ze Belinga

Réunion du samedi 28 octobre 2023 à 9h05
Commission des affaires étrangères

Martial Ze Belinga, économiste et sociologue, expert associé au comité scientifique international de l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) pour l'histoire générale de l'Afrique :

Si vous vous concentrez uniquement sur les partisans et les opposants de la France, vous risquez de passer à côté de la question essentielle. Les Africains, tout comme la France, évoluent dans un contexte mondial. Le destin de la France ne se limite pas à celui de ses anciennes colonies. Elle s'est tournée vers d'autres horizons, parfois insuffisamment, et n'a pas toujours su se positionner avantageusement dans le commerce international avec des pays émergents plus dynamiques. Cette dynamique a été influencée par les anciennes rentes coloniales. En restant dans cette dichotomie simpliste, vous pourriez biaiser votre analyse.

La France a toujours défendu sa souveraineté monétaire, un concept développé par Jean Bodin et d'autres auteurs français de renom. Le général de Gaulle s'est battu pour cette souveraineté face au dollar, et le président Giscard d'Estaing a évoqué le privilège exorbitant du dollar. La France a dévalué le franc français près de vingt fois au XXe siècle, avant et après 1945, sans jamais choisir de dollariser son économie, afin de préserver sa souveraineté nationale. Si les pays africains avaient suivi l'exemple français, ils auraient abandonné le franc CFA dès l'indépendance, comme l'ont fait le Maroc, la Tunisie et les pays du Mékong, qui entretiennent toujours de bonnes relations avec la France. Les critiques actuelles envers la France découlent d'une perception de continuité coloniale que les peuples rejettent. Le franc CFA, en tant que monnaie d'échange quotidienne, n'est pas contesté. Ce qui est remis en question, c'est son caractère externe et les institutions qui gèrent le franc CFA.

La contestation réside dans le fait de ramener chaque fois les débats à quelque chose d'irrationnel et d'instrumentalisé, ce qui ne peut qu'aggraver les grandes difficultés que la France risque de rencontrer à long terme. Je ne vois vraiment pas ce que la France aurait à gagner en ayant deux milliards d'Africains convaincus que ce pays est « le pire des pays à l'exception d'aucun autre ». En effet, plus ce type d'institution perdure, plus cette image se développe. Il ne faut pas oublier que lors du passage des troupes françaises, des populations se sont mises en travers des routes. On peut penser que c'est instrumentalisé mais cela s'est également produit à Madagascar dans les années 1970.

Pour votre information, la Mauritanie est sortie de la zone franc et ne s'en porte pas plus mal. Il n'y a donc pas de fatalité à ce que quitter une zone monétaire se passe mal. Au contraire, les pays en développement ont besoin de politiques discrétionnaires et adaptées à leur développement. Ce n'est pas le cas pour le franc CFA car il est arrimé à une zone composée de pays déjà industrialisés. Par exemple, il manque des éléments de gouvernance au niveau de la production et de la transformation productive. Ces aspects ne sont même pas abordés dans les rapports sur le franc CFA, y compris malheureusement dans ceux de la Banque de France.

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