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Intervention de Jean-Philippe Derosier

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 16h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur le rôle local et l'ancrage territorial des parlementaires

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille :

Je rejoins largement ce que disait le professeur Kerléo. Cependant, concernant le dernier point, je pense que nous pouvons institutionnaliser des rapports entre les parlementaires et le préfet sans porter atteinte à la séparation des pouvoirs. La séparation des pouvoirs ne signifie pas l'isolement des pouvoirs, mais leur collaboration. Les parlementaires entretiennent des relations avec les gouvernements, il n'y a donc pas de raison qu'ils n'en aient pas avec le préfet au niveau local. Divers moyens peuvent être envisagés ‒ pas nécessairement des conférences réunissant préfets et parlementaires, ce qui ne me semblerait pas d'une grande utilité. En revanche, imposer au préfet de faciliter la vie des parlementaires au niveau local, selon des modalités à déterminer, est une idée à explorer. Les préfets jouent un rôle dans l'aménagement des territoires qu'ils administrent, ce qui rend cette collaboration tout à fait envisageable.

Je souscris pleinement à la préoccupation de la députée Aude Luquet. Des considérations humaines sont également à prendre prises en compte pour faire comprendre aux préfets que les parlementaires ne sont pas des incompétents en puissance. Cela passe par une formation dans l'administration, que la disparition de l'École nationale d'administration n'a pas forcément facilitée. Avec le temps, peut-être que les choses évolueront.

Je suis plus sceptique quant à l'observation de mon collègue Morel concernant la prime aux sortants. Elle est incontestable au niveau local pour certaines communes, mais je suis plus réservé sur les législatives. L'exemple de 2017 a démontré qu'il n'y avait pas de prime aux sortants, bien au contraire. Je ne suis pas certain que ce soit un élément à prendre en compte.

En ce qui concerne la lutte contre l'abstention liée à la fin du cumul des mandats, je n'ai pas connaissance d'études spécifiques à ce sujet. Il est certain, et je rejoins M. Morel sur ce point, que l'abstention lors des élections législatives est en grande partie due à la proximité de l'élection présidentielle. Une solution pourrait être, comme proposé dans le cadre du Gréci, d'organiser les deux scrutins le même jour. J'y suis personnellement favorable, car cela permettrait de fusionner les deux campagnes électorales. Les députés élus seraient, comme aujourd'hui, en partie redevables au Président de la République, mais ce dernier le serait également envers les députés qui auraient soutenu sa campagne. Cet aspect mérite d'être pris en compte pour répondre aux enjeux du quinquennat et des calendriers électoraux.

La diversité territoriale de la France ne peut être ignorée. Nous sommes le plus grand pays d'Europe continentale, à l'exception de l'Ukraine, avec un territoire extrêmement varié. Contrairement à ce que laissait entendre M. Kerléo, l'attribution de moyens différenciés est envisageable ; cela existe déjà. Par exemple, un élu d'outre-mer ne dispose pas des mêmes moyens qu'un élu de métropole ; un élu représentant les Français de l'étranger n'a pas les mêmes moyens qu'un parlementaire élu dans le cadre des circonscriptions nationales. Il serait donc pertinent d'adapter les moyens en fonction de la taille et de la géographie des circonscriptions. Un élu de montagne, par exemple, peut mettre deux heures pour parcourir vingt kilomètres, en raison des contraintes géographiques ‒ on va parfois plus vite à ski, ou en hélicoptère !

J'en viens à l'interrogation sur la proximité avec le territoire et les citoyens et j'y réponds : les deux, mon général ! Il faut à la fois être proche de son territoire, en connaître les spécificités et les subtilités, et, à travers lui, être proche de la population de ce territoire, donc des citoyens. De mon point de vue, l'un ne va pas sans l'autre. Un lien étroit doit exister avec les collectivités, d'où ma proposition qui ne modifierait pas nécessairement la forme de l'État ‒ notion assez floue selon moi. Il est important d'être proche des électeurs, des personnes que l'on représente. À cet égard, tous les moyens sont bons, à condition d'utiliser les plus appropriés. Cela m'amène à aborder une question soulevée précédemment : le retour à la proportionnelle. J'ai toujours été profondément hostile à cette idée. Je pense qu'elle affaiblirait encore davantage le lien entre les électeurs et les parlementaires élus au scrutin proportionnel. De plus, le scrutin proportionnel est, à mon sens, bien moins démocratique que le scrutin majoritaire. Ce sujet pourrait faire l'objet d'une autre mission d'information.

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