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Intervention de Benjamin Morel

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 16h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur le rôle local et l'ancrage territorial des parlementaires

Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris 2 Panthéon-Assas :

Le problème ne réside pas tant dans la mise en place du quinquennat que dans le télescopage des calendriers électoraux, lequel a fragilisé les partis politiques, qui ne présentent plus de grands programmes durant les élections législatives, et a également affaibli l'ancrage local des parlementaires. Le phénomène que vous décrivez est observable élection après élection et, d'un point de vue statistique, de manière très claire depuis 1962. Avant cela, les dissolutions de confort et les élections législatives suivant un référendum ou une élection présidentielle entraînaient des effets de vagues. Ces vagues, amplifiées par le mode de scrutin, nécessitaient un ancrage local très fort et une bonne image locale pour y résister. Ces effets de vagues ont été institutionnalisés par le quinquennat et le télescopage des calendriers électoraux – deux sujets distincts à l'époque avec, notamment, l'adoption d'une loi organique qui n'avait pas reçu l'aval du Sénat.

En ce qui concerne l'ancrage urbain-rural, je suis tout à fait d'accord. J'ai rédigé un article il y a quelques années, qui a peut-être un peu vieilli à cause de la pandémie de covid-19, mais qui montrait qu'en politique et en droit comparés, il existe des différences notables à l'étranger. La prise en compte de l'éloignement de la capitale et des caractéristiques de la circonscription s'agissant des moyens matériels mis à disposition – c'est d'ailleurs le cas en France pour les outre-mer – et le temps imparti à l'activité législative peut être modulée. En effet, il pourrait être pertinent de réfléchir à une modulation de l'activité des parlementaires selon le type de circonscription. Cela se fait assez bien, notamment en Grande-Bretagne.

À ma connaissance, il n'existe pas d'étude claire sur le lien entre le non-cumul et l'abstention en France. Ce qui est certain, c'est que le principal phénomène en matière d'abstention législative est une participation différentielle liée à l'élection présidentielle précédente. Pour simplifier, l'électorat du président se mobilise, tandis que celui de l'opposition, groggy, ne se mobilise pas. Cela ne s'est pas produit lors des dernières élections, d'où la majorité relative actuelle. Il n'existe pas de lien direct entre l'abstention et la fin du cumul des mandats. En revanche il est vrai que, localement, une sur-mobilisation d'une partie de l'électorat qui structurellement serait plus abstentionniste peut se produire si le parlementaire est bien ancré dans son territoire. La prime au sortant est un phénomène bien documenté en science politique, et elle s'applique tant aux élections locales qu'aux élections législatives. La notoriété et la visibilité d'un candidat sortant engendrent un effet de vote significatif. Toutefois, il est difficile de déterminer si cet effet influe sur la participation générale, c'est-à-dire s'il incite davantage d'électeurs à se rendre aux urnes, ou s'il se limite à orienter le choix des votants ‒ certains électeurs votant pour un candidat simplement parce qu'ils le connaissent, même s'ils en auraient initialement préféré un autre. L'impact sur l'abstention reste incertain, mais la prime au sortant est indéniable.

Un dernier point concerne la représentativité des citoyens. Encore une fois, il ne faut pas être trop dupe s'agissant de la démocratie participative. En substance, il faut être en mesure d'aller chercher les gilets jaunes, en créant des points de contact visibles et institutionnalisés. Par exemple, la création de maisons de l'Assemblée nationale avait été évoquée il y a quelques années. C'est important car la permanence d'un parlementaire varie en fonction de la personne élue. Si moi, gilet jaune, ignore qui est mon parlementaire et où le trouver, un point de contact stable et institutionnalisé, en plus des permanences habituelles, permettrait de faciliter l'accès et de créer un recours potentiel. Cela rejoint également la question du rôle du parlementaire en tant qu'assistant social. Il est parfois important de disposer de lieux consacrés à telle institution, afin d'être visible, audible et d'accueillir de nouvelles populations.

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