Le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), que nous examinons pour l'année 2023, résulte de la réforme du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale, défendue 2022 par mon prédécesseur Thomas Mesnier, dont je salue la qualité du travail. La création de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) vise à répondre à la volonté affirmée par de nombreux acteurs des finances sociales de mettre en œuvre un cycle budgétaire complet pour les lois de financement de la sécurité sociale, sur le modèle des lois de finances régissant le budget de l'État.
Je ne rappellerai pas l'intérêt pour le débat démocratique, connu de tous, de la création de la Lacss. Mon propos portera essentiellement sur le contenu du texte, soit le résultat et la situation financière de la sécurité sociale pour l'année 2023.
Conformément aux dispositions organiques, le texte commence par l'exposé de la situation des administrations de sécurité sociale. Ce champ est plus large que celui habituellement retenu en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS). Il intègre l'assurance chômage et les régimes de retraites complémentaires, au premier rang desquels le régime des salariés du privé, dont la gestion est confiée à l'Agirc-Arrco. Sur ce champ, l'article liminaire indique un excédent de 13,2 milliards d'euros, soit une amélioration de 4 milliards par rapport à l'année 2022.
Il s'agit d'une source de satisfaction : pour la deuxième année consécutive, les administrations de sécurité sociale contribuent positivement au solde des administrations publiques. L'amélioration du solde est principalement due à deux facteurs positifs : la réduction du déficit de la sécurité sociale stricto sensu ; la bonne tenue des excédents de l'Unédic et de l'Agirc-Arrco. Ces excédents ont été rendus possibles par la reprise économique consécutive à la crise sanitaire et par l'efficacité de la politique de l'emploi du Gouvernement. Ils ont été alimentés par les réformes structurelles que notre majorité a menées, s'agissant notamment de l'assurance chômage et de la réforme des retraites.
L'Unédic présente un excédent de 1,6 milliard d'euros, en dépit du ralentissement de la dynamique de la masse salariale constaté en 2023. Ce bon résultat permet de poursuivre le désendettement du régime et de consacrer des ressources au financement de la politique de l'emploi. Sur le champ des régimes complémentaires, l'excédent est en hausse de 3 milliards par rapport à 2022 ; il atteint presque 10 milliards en 2023. L'excédent global des administrations de sécurité sociale s'élève à 0,5 point de PIB ; il correspond à peu près à la prévision actualisée de la LFSS 2024 une fois neutralisés les effets de périmètre liés au changement de la méthodologie suivie par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour l'établissement des comptes nationaux.
Toutefois, la situation financière positive des administrations de sécurité sociale ne doit pas masquer celle des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui s'améliore sensiblement par rapport à 2022 mais demeure déficitaire. Sur le champ des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), l'exercice 2023 se caractérise par un net recul du déficit, qui s'établit à 10,8 milliards d'euros, soit une réduction de près de 50 % du déficit constaté en 2022. Pour l'essentiel, cette amélioration est due à la quasi-extinction des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, qui passent de 11,7 milliards en 2022 à un peu plus de 1 milliard en 2023. Les recettes ont, quant à elles, connu une croissance soutenue de 4,7 %, dans un contexte de forte inflation. J'y vois la validation des réformes que nous menons depuis 2017 et qui ont permis au taux d'emploi d'atteindre des records historiques.
Il en résulte que, pour la première fois depuis 2020, l'endettement financier de la sécurité sociale a diminué en 2023. Il n'en reste pas moins que son déficit reste élevé. Comme les années précédentes, il est concentré sur la branche vieillesse et surtout sur la branche maladie, dont le déficit atteint 11,1 milliards. D'après les prévisions présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), le déficit se creusera à nouveau dès cette année si nous ne prenons aucune mesure supplémentaire. La situation est d'autant plus préoccupante que ce déficit est un déficit structurel, appelant donc des réformes structurelles.
Le rapport de la Cour des comptes sur l'application des LFSS esquisse des pistes, notamment dans le champ des dépenses de santé. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la dynamique des dépenses induites par les indemnités journalières, qui ont augmenté de plus de 50 % depuis 2017, ni sur le coût des transports sanitaires. Il nous appartiendra d'en débattre à l'automne, lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
L'examen du Placss a pour premier intérêt d'offrir l'occasion de confronter les prévisions adoptées en LFSS à la réalité de l'exécution budgétaire. Le Placss 2023 indique un déficit de la sécurité sociale supérieur de 2,1 milliards d'euros à la prévision actualisée de la LFSS 2024.
Comme le rappelle la Cour des comptes, la quasi-totalité de cet écart résulte de recettes moindres qu'anticipé, en raison du ralentissement économique constaté au dernier trimestre 2023. Les dépenses ont, quant à elles, été globalement conformes aux prévisions. Avec un montant total de 247,8 milliards, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été globalement respecté par rapport à la prévision actualisée de la LFSS 2024, intégrant notamment les mesures de revalorisation salariale destinées aux personnels hospitaliers et aux établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que la revalorisation du point d'indice de la fonction publique intervenue courant 2023 et les surcoûts liés au dynamisme des indemnités journalières.
Au total, à l'exclusion des coûts liés à la crise sanitaire, les dépenses relevant de l'Ondam ont progressé de 4,8 % par rapport à 2022. Cette augmentation plus importante qu'anticipé lors de l'examen du PLFSS 2023 doit être mise en regard d'une inflation exceptionnelle, qui a entraîné des dépenses supplémentaires visant à protéger les personnels et les établissements. Le ralentissement de l'inflation contribuera donc à freiner la progression des dépenses. Il n'en demeure pas moins que seules des réformes structurelles permettront de résorber durablement le déficit de la branche maladie.
Je conclurai mon propos par des considérations formelles sur l'annexe 2 du projet de loi, relative aux mesures d'exonération et d'exemption de cotisations sociales. La réforme du cadre organique de 2022 a renforcé l'encadrement des niches sociales en créant un monopole des LFSS sur la création d'exonérations de cotisations sociales d'une durée supérieure à trois ans et en instaurant une obligation d'évaluation des niches sociales. Elle prévoit que les 142 niches sociales recensées soient examinées au moins tous les trois ans pour nous permettre de juger de l'efficacité des mesures qui, fussent-elles compensées par l'État dans leur grande majorité, réduisent les recettes des cotisations de la sécurité sociale. Il s'agit d'un enjeu majeur du débat budgétaire, auquel notre commission a contribué grâce au rapport présenté par Marc Ferracci et Jérôme Guedj en septembre 2023.
Ainsi, sur la base des travaux de cadrage menés l'an dernier par l'Inspection générale des finances et par l'Inspection générale des affaires sociales, le Placss 2023 présente un panorama plus complet des dispositifs d'exonération et d'exemption de cotisations sociales et dresse un programme de travail des évaluations à venir, lesquelles concerneront notamment les exonérations applicables au titre de la loi pour le développement économique des outre-mer et deux dispositifs propres au secteur de l'apprentissage.
Je mesure le travail que ces évaluations représentent pour l'administration – mon prédécesseur le qualifiait de colossal. Je note d'ailleurs qu'aucune règle organique ne prévoit un tel dispositif pour les niches fiscales. Il n'en est pas moins absolument nécessaire que nous disposions d'une information fiable et à jour pour assurer le meilleur usage possible des ressources de la sécurité sociale.
Le Placss que nous examinons reflète la réalité des comptes de la sécurité sociale. Ne pas l'adopter équivaut à nier cette réalité, qui nous commande d'agir afin de poursuivre de redressement de nos comptes sociaux et la résorption de la dette sociale. Ce sont des exigences de souveraineté budgétaire et de pérennisation de notre modèle social. Opposer l'une et l'autre de ces exigences est un contresens et une erreur.
Mes chers collègues, je vous invite à adopter le projet de loi.