Je suis heureux que Nicole Belloubet soit là pour débattre de l'enseignement agricole, dont nous discutons souvent. Nos destins sont liés et notre coopération et celle de nos cabinets et de nos administrations sont précieuses.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises ces derniers jours, pendant l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole, l'enseignement agricole est un puissant instrument pour atteindre les objectifs définis dans le texte. En effet, la formation d'agriculteurs et d'agricultrices est un préalable indispensable au développement d'une agriculture sûre, saine, durable et garante de notre souveraineté. Il constitue un atout précieux pour relever le défi du changement climatique, car il est à même de nous doter de toutes les connaissances et compétences nécessaires pour construire des solutions viables et durables à l'échelle de chaque ferme, de chaque filière, de chaque territoire.
L'orientation, la formation et l'innovation sont donc au cœur du projet de loi que l'Assemblée a adopté hier. Je salue la réussite de nos apprenants et le travail de celles et ceux qui font l'enseignement agricole : les équipes éducatives et les équipes régionales et nationales engagées au quotidien.
Nous parlons d'un dispositif éducatif singulier. Il compte 800 établissements, qui assurent un maillage territorial complet, en métropole et dans les outre-mer. Ceux-ci sont organisés en campus autour d'un lycée, d'une exploitation, de centres de formation pour apprentis (CFA) et pour adultes (CFPPA). Grâce à l'autonomie réelle dont ils disposent et à une gouvernance ouverte aux professionnels et aux acteurs locaux, ils sont ancrés dans leur territoire. Ils préparent à plus de 200 métiers en proposant des formations générales, technologiques et professionnelles, en formation initiale, en apprentissage et en formation continue. Dans ce système très complet, chacun peut trouver sa place et sa voie. Il est constitué d'établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (Eplefpa) et d'établissements privés. L'articulation des deux et l'équilibre qui en découle font en partie la force, la résilience et l'adaptabilité du système.
L'enseignement agricole a développé de longue date une approche par projets et une pédagogie du concret. C'est le cas en particulier dans les organisations dites en « rythme approprié », qu'adoptent par exemple les maisons familiales rurales. La place prépondérante de l'éducation socioculturelle, dont nous fêterons les soixante ans cette année, de l'ouverture à l'international, du sport et le nombre significatif d'apprenants accueillis en internat sont autant de points forts, qui contribuent à la réussite des jeunes, futurs citoyens éclairés et professionnels compétents.
Les résultats prouvent l'efficacité du système. L'indice de position sociale des élèves (IPS) est en moyenne plus faible dans les établissements agricoles que dans les lycées de l'éducation nationale. Or les résultats observés sont excellents et constants, qu'il s'agisse des résultats aux examens – entre 87 et 95 % de réussite au nouveau bac en 2023 – ou de l'insertion professionnelle – les taux nets d'emploi trois ans après l'obtention du diplôme s'échelonnent de 81 à 92 %.
L'enseignement agricole est également attractif. Après une décennie de diminution du nombre d'élèves, on observe depuis cinq ans une évolution positive, malgré une démographie scolaire globalement en baisse : le nombre d'apprenants a augmenté de 6 %, en particulier grâce à l'apprentissage.
Il bénéficie également d'une forte capacité à déployer les politiques publiques et à innover. Pleinement engagé dans l'application des politiques prioritaires du Gouvernement, il constitue un maillon essentiel du service public de l'éducation ; particulièrement inclusif, il accueille plus de 4 500 élèves en situation de handicap, dans les meilleures conditions possibles : 100 % disposent d'une notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et bénéficient de mesures comme une aide technique, humaine ou organisationnelle – on sait à quel point c'est essentiel.
Il est engagé pour l'égalité des filles et des garçons. La proportion de femmes a considérablement augmenté depuis les années 1970, jusqu'à atteindre plus de 45 % dans les formations techniques. Je reste toutefois vigilant dans ce domaine, si important pour la société.
Depuis sept ans, l'enseignement agricole s'est largement impliqué dans la formation aux transitions. Les résultats sont réels ; par exemple, l'intégralité des diplômes intègre l'agroécologie dans les référentiels de formation. Les exploitations agricoles des lycées sont pleinement engagées dans les transitions et sont souvent tout à fait exemplaires : 72 % disposent d'au moins un atelier en agriculture biologique.
La dotation globale de l'État est pertinente : l'enseignement agricole est un système éducatif efficace. Nous veillons évidemment à la cohérence de l'évolution des crédits et de celles du nombre d'apprenants et du nombre d'élèves par classe. Le budget a augmenté de 10 % en 2024 – ce dont je me félicite –, afin d'appliquer des mesures justes et nécessaires visant à renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, grâce au déploiement du Pacte enseignant, et l'attractivité de la voie professionnelle initiale, en instaurant la gratification des stages.
Pour satisfaire aux besoins d'innovation et de transition, des moyens complémentaires seront investis dans le cadre du plan d'investissement France 2030.
Des difficultés majeures demeurent. Comme l'éducation nationale, l'enseignement agricole affronte une crise d'attractivité du métier d'enseignant. Dans la continuité des annonces faites dans le cadre du choc des savoirs, nous avons déployé une réforme du recrutement des professeurs au niveau de la licence. De plus, nous accompagnons les nouveaux pendant leur prise de poste et pour les aider à obtenir un diplôme de niveau master.
Nous travaillons par ailleurs à conforter et à stabiliser les équipes d'accompagnement éducatif – assistants d'éducation (AED) et accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) –, par exemple en leur proposant des CDI, pour satisfaire à une demande ancienne.
Comme d'autres secteurs économiques, l'enseignement agricole est touché par l'inflation. Certains établissements, privés comme publics, connaissent des difficultés financières importantes. Pour les aider et maintenir le maillage territorial minimal, le soutien des conseils régionaux sera indispensable.
Nous avons également engagé un travail de simplification visant à soulager les équipes de direction et les équipes éducatives. C'est un vaste chantier : de nombreuses réformes sont encore en cours d'application.
L'évolution du secteur impose de relever plusieurs défis d'ici à 2030. L'une des principales ambitions du projet de loi consiste à y parvenir. Nous nous sommes fixé l'objectif de renouveler les générations et d'augmenter de 30 % le nombre d'apprenants ; cela nécessite de renforcer l'attractivité des formations et des métiers. Je suis convaincu que l'attrait de l'offre de formation, du métier et du parcours fait davantage que la démographie – l'évolution des effectifs le prouve. Nous devons accélérer ce mouvement en faisant redécouvrir l'agriculture aux plus jeunes, en multipliant les offres de stage et en travaillant sur l'orientation, avec ma collègue de l'éducation nationale et avec les régions. C'est l'objectif du programme national d'orientation et de découverte des métiers défini dans le texte.
Nous travaillons également sur les problèmes que pose la carte scolaire. Avec le contrat territorial, nous nous dotons d'outils permettant d'ouvrir et de consolider des classes dans les territoires qui en ont besoin, pour former à des métiers en tension.
L'enseignement agricole est le premier moyen de relever le défi de la formation aux compétences de demain. En posant les fondements d'un nouveau diplôme de niveau bac + 3, en rappelant les principales compétences à développer dans les formations, en créant une sixième mission pour l'enseignement agricole, résolument engagé en faveur des transitions agroécologiques, la future loi d'orientation agricole renforcera le rayonnement et l'attractivité de nos formations.