L'introduction en bourse dont traite le rapport spécial est une conséquence directe de l'évolution de la doctrine de l'État actionnaire opérée à partir de 2017. Elle est une réussite pour l'épargne populaire, pour l'État et pour La Française des jeux, permise par le Parlement au travers de la loi Pacte, promulguée le 22 mai 2019.
Cette opération, qui a consisté en la cession par l'État de la moitié des titres de La Française des jeux pour une valeur totale de presque 1,9 milliard d'euros est d'abord un succès populaire.
Elle a suscité un réel engouement, malgré le prix de l'action définie dans la fourchette haute des recommandations de la Commission des participations et des transferts, à 19,90 euros par action. Sur les presque 100 millions d'actions vendues par l'État, plus de 40 % l'ont été aux particuliers, salariés ou détaillants buralistes de La Française des jeux, dont les ordres ont été servis en priorité, conformément aux souhaits du Gouvernement. Il s'agissait alors de nombreux petits porteurs, qui ont été servis dans la limite de 2 000 euros. Au total, un demi-million de particuliers ont participé à cette opération. Ce résultat spectaculaire témoigne de la réussite populaire de l'opération.
Plus de quatre ans après, l'histoire a montré que les particuliers ont eu raison de souscrire aussi largement à cette opération, puisque le cours de l'action n'est presque jamais retombé en dessous du cours d'introduction. Cet ancrage populaire fait toujours partie de l'ADN de la société puisque la FDJ compte près de 400 000 actionnaires individuels – elle fait partie des sociétés françaises cotées ayant le plus de particuliers à son capital.
L'opération est également un succès pour l'État. L'introduction en bourse a été réalisée parallèlement à une modification du cadre juridique et fiscal applicable aux jeux d'argent et de hasard en France, permettant notamment de mieux protéger les Français et les intérêts financiers de l'État dans la durée.
La loi Pacte a instauré une nouvelle autorité indépendante, l'Autorité nationale des jeux (ANJ), en étendant le périmètre des prérogatives de l'ancienne Autorité de régulation des jeux en ligne avec la régulation des opérateurs titulaires de droits exclusifs en matière de jeux d'argent et de hasard, FDJ et PMU.
Par ailleurs, l'État – qui détient 20 % du capital de la FDJ et reste son actionnaire de référence – a renforcé son contrôle sur l'entreprise grâce à des barrières à l'évolution du capital, au maintien auprès de la société d'un commissaire du Gouvernement, à l'obligation d'un agrément par les ministres des nominations des dirigeants mandataires sociaux ou encore à la possibilité pour le ministre chargé du budget de prononcer à tout moment une suspension – voire l'interdiction – de l'exploitation d'un jeu sous droits exclusifs pour des motifs de sauvegarde de l'ordre public.
En avril 2023, le Conseil d'État a validé cette nouvelle organisation et les modalités de privatisation, en jugeant que le monopole accordé à la FDJ sur certains segments de jeux était conforme au droit de l'Union européenne. Il a considéré que la protection de la santé et de l'ordre public en raison des risques avérés de jeu excessif, de fraude et d'exploitation des jeux de loterie à des fins criminelles, constitue des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une limitation à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement. Il a ainsi rejeté les recours en annulation de plusieurs acteurs du secteur contre les différents textes pris dans le cadre de la privatisation de la FDJ.
Sur le plan financier, si l'État perçoit moins de dividendes chaque année, il faut mettre en perspective ces montants de l'ordre d'au plus quelques centaines de millions avec, d'une part, ce que l'opération a rapporté – près de 2 milliards – et, d'autre part et surtout, avec les prélèvements publics auxquels la FDJ est soumise – soit 4,2 milliards d'euros en 2023.
Enfin, il faut noter que le niveau des dividendes perçus par l'État se rapproche dès à présent des montants qu'ils atteignaient avant l'introduction en Bourse, avec presque 70 millions d'euros en 2023 contre 87 millions d'euros en 2018. Cette augmentation est rendue possible par la croissance d'une entreprise ayant ouvert son capital. Autrement dit, comparaison n'est pas raison : rien ne dit que la FDJ serait en mesure de distribuer un montant de dividendes équivalent sans la privatisation.
Cette augmentation tant des dividendes distribués que des prélèvements publics démontre que cette opération est également un succès pour l'entreprise. La FDJ a connu une croissance de son résultat net de 34 % par an en moyenne et le montant des dividendes distribués a été multiplié par quatre depuis la privatisation en 2019. Grâce à une plus grande agilité permise par l'évolution de la gouvernance de l'entreprise, cette dernière a pu se montrer particulièrement résiliente face aux différentes crises.
Par ailleurs, la FDJ a pu se développer à l'international grâce à plusieurs acquisitions comme ZETurf et Premier Lotteries Ireland. Elle a lancé une offre publique d'achat en début d'année sur Kindred – qui possède la marque Unibet, opérant en France. La FDJ est fondamentalement attachée à développer un jeu responsable et elle maintient une relation équilibrée avec les distributeurs en points de vente, dont les buralistes – ce à quoi je prête une attention toute particulière.
En conclusion, je souligne que cette introduction en bourse a permis d'offrir un placement avantageux à des centaines de milliers de particuliers, en dirigeant leur épargne vers l'économie française. La privatisation a également permis de monétiser à un prix pertinent une participation de l'État dans une entreprise qui reste sous son contrôle étroit. Le produit de cette vente a servi à mener d'autres opérations. Enfin, cette politique a favorisé le développement d'un groupe français capable de se déployer à l'international.
À la suite de plusieurs plaintes d'opérateurs concurrents, la Commission européenne a décidé d'ouvrir une procédure formelle contre les autorités françaises le 26 juillet 2021, en leur reprochant d'avoir sous-évalué la soulte de 380 millions d'euros versée par la FDJ au moment de sa privatisation en contrepartie de la sécurisation des droits exclusifs de l'entreprise. Ces mêmes concurrents ont déposé quinze recours devant le Conseil d'État sur l'ensemble de l'opération dont un seul, qui porte sur cette soulte, est encore pendant dans l'attente de la décision de la Commission européenne.
Nous considérons que la rémunération de 380 millions d'euros versée par la FDJ à l'État est conforme aux conditions de marché. Elle n'est pas sous-évaluée et ne constitue pas un avantage pour l'entreprise au sens de la réglementation des aides d'État. Nous avons eu recours à une méthode différentielle pour évaluer le montant de cette rémunération et nous l'avons fixé après avis de la Commission des participations et des transferts.
Les échanges se poursuivent actuellement avec la Commission européenne et nous sommes convaincus qu'une issue favorable sera trouvée très prochainement.
S'agissant de la rentabilité de la privatisation, encore une fois les dividendes versés se rapprochent de leur niveau antérieur alors même que nous avons cédé l'essentiel du capital. Cela montre que l'entreprise s'est formidablement bien développée. En outre, nous continuons à disposer du levier fiscal, qui nous a permis d'encaisser 4 milliards d'euros. Il n'a absolument pas été affecté par l'ouverture à la concurrence. C'est un puissant outil de régulation, qui s'ajoute au fait que les mandataires sociaux de l'entreprise doivent recevoir l'agrément de l'État.