Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

S'agissant des hôpitaux de proximité, la pénurie de soignants, notamment de médecins, est mondiale. Quand une maternité fonctionne avec un accouchement par jour, les professionnels perdent en pratique et en qualité. Les toutes petites maternités sont plus dangereuses, comme le démontre un récent rapport de la Cour des comptes. Quand j'étais ministre, je voulais que tous les Français soient soignés comme j'aimerais que soient soignés mes enfants ou ma sœur. Je suis donc totalement favorable à la fermeture des petites maternités, qui sont dangereuses pour les femmes.

Dans tous les pays du monde, des organisations se mettent en place pour assurer la sécurité des femmes lorsque les distances à parcourir sont immenses – par exemple, en Norvège ou en Finlande, où un trajet peut prendre cinq heures. Cela étant, quand une femme habite le centre de la Corse et doit se rendre à Bastia ou à Ajaccio pour accoucher, elle fait deux heures de route l'hiver et cela n'a jamais choqué personne. Nous nous sommes mis d'accord avec les élus locaux pour qu'aucune femme ne se trouve à plus d'une heure et demie de voiture d'une maternité de qualité. Cela représente déjà beaucoup d'efforts pour faire en sorte que tous les plateaux techniques disposent d'un anesthésiste formé qui ne soit pas un intérimaire, d'un pédiatre et d'un chirurgien pour pouvoir opérer.

Oui, il faut fermer les petites maternités. Ce qui nous gêne, ce sont les élus locaux qui se fichent complètement de la qualité parce qu'ils font accoucher leur femme (ou leur fille) au CHU, mais qui, pour plaire à leurs administrés, réclament le maintien d'une petite maternité. Je l'ai constaté en me rendant dans certaines maternités où j'ai rencontré des sénateurs qui s'indignaient, mais dont la famille allait accoucher au CHU… Pour ma part, je souhaite la même qualité de soins et la même sécurité pour toutes les femmes et pour tous les enfants. La périnatalité est un problème en France et l'une des causes identifiées est la dangerosité des toutes petites maternités, parce que les femmes sont moins bien suivies et les enfants aussi – je l'affirme et je le confirme.

La dichotomie public-privé est considérable. Toutefois, même dans le secteur privé, la financiarisation met une énorme pression sur les professionnels, les cliniques privées demandant du rendement aux chirurgiens. C'est au moins aussi dangereux que cela l'a été à l'hôpital public, il y a quelques années. Le problème est que l'on finance une activité sur des actes au lieu de la financer sur leur pertinence et leur qualité. Il faut profondément modifier les méthodes de financement de façon à éviter la financiarisation à outrance et la transformation de la santé en un marché lucratif, ce qu'elle ne peut pas être.

Cela fait longtemps que la logique financière n'existe plus à l'hôpital public – ce schéma, propre aux années 2000 ou 2010, n'est plus vrai. L'hôpital public assure une très bonne qualité et une très bonne pertinence des soins : quand on veut être bien soigné, encore aujourd'hui, on va à l'hôpital public. La transformation mise en œuvre vise à sortir d'une démarche comptable et à adopter une tarification qui promeut la pertinence et la qualité plutôt que le nombre d'actes.

Enfin, concernant la régulation, j'ai lancé un plan de formation prévoyant que tous les ARM devaient être formés pendant un an. J'ai demandé aux sociétés savantes de se mettre d'accord sur le contenu de cette formation, parce qu'elle n'existait pas, et j'ai demandé aux Samu d'assurer ces formations à compter de l'année n+1 après la terrible histoire de madame Musenga.

Nous avons prévu des primes parce que c'est le seul outil dont nous disposions, dans la mesure où nous sommes tenus par la grille de la fonction publique. Surtout, nous avons créé le service d'accès aux soins (SAS), dans lequel des médecins généralistes de territoire s'engagent à faire de la régulation la nuit. Cela a considérablement modifié les pratiques dans les endroits où un SAS a été mis en place. Aujourd'hui, il y a des SAS dans pratiquement tous les Samu, ce qui a permis de réduire de l'ordre de 10 % le nombre de passages aux urgences. Cela améliore aussi la qualité du rendu téléphonique, grâce à l'implication des médecins libéraux dans le service d'accès aux soins.

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