Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

J'ai subi l'« hôpital-entreprise » : quand j'étais médecin, j'ai entendu des propos qui m'ont horrifiée et je suis vraiment venue au ministère avec l'idée de réformer cela.

Malheureusement, j'ai trouvé à mon arrivée une dette des hôpitaux abyssale, de l'ordre de 30 Md€, et le déficit de l'année en cours était de 1 Md€. J'ai compris que la disparition du « trou » de la sécurité sociale, qui était de 30 Md€ dans les années 2000 et qui avait été totalement comblé au moment où je suis arrivée, s'était faite au détriment des hôpitaux. En fait, la dette avait été transférée subrepticement du budget de la sécurité sociale vers les hôpitaux.

La première chose que j'ai faite a donc été de redonner des marges financières à l'hôpital public, en régulant mieux la médecine dite « de ville », parce que c'était absolument nécessaire. Je l'ai dit : on ne peut pas augmenter indéfiniment les dépenses de santé et il n'est pas imaginable qu'elles représentent un jour 20 % de notre PIB. Le 6 février 2020, j'ai pris l'engagement devant les fédérations hospitalières que les tarifs augmenteraient et seraient connus pour les trois ans à venir, afin que les hôpitaux aient une visibilité pour leurs investissements. J'ai négocié avec Bercy pour que l'on reprenne la dette des hôpitaux et, à l'issue d'une bataille homérique, j'ai obtenu un arbitrage favorable du Premier ministre Édouard Philippe, à hauteur de 30 % de la dette : 10 Md€ ont ainsi été rendus aux hôpitaux pour leur permettre d'investir. Cette mesure a été annoncée pendant le « Ségur de la santé », mais c'est moi qui l'ai obtenue en novembre 2019.

Cependant, d'un hôpital à l'autre, les situations financières sont très différentes et c'est la raison pour laquelle il est très difficile de parler d'« hôpital » en général. Certains ont des dettes très importantes, pratiquent le yield management et cherchent à faire des économies. D'autres, en revanche, sont à l'équilibre et vont bien : vous n'en entendez jamais parler. Il faut donc arrêter de voir l'hôpital comme une entité unique. Lors des différentes grèves hospitalières que j'ai connues lorsque j'étais ministre, les pourcentages de grévistes allaient de 2 % dans certains CHU à 60 % à l'AP-HP : cela veut bien dire que les réalités sont très différentes.

Il faut leur redonner de la marge financière. La reprise de la dette était une façon d'accorder d'emblée 10 Md€ aux hôpitaux sans passer par l'Ondam ni avoir à réguler davantage la médecine de ville. Cela fait longtemps qu'instruction a été donnée aux agences régionales de santé de ne plus parler de finances quand on ferme un service. Je leur ai interdit de fermer un service sous prétexte qu'il n'était pas rentable : on ne ferme un service que s'il y a des problèmes de qualité ou de sécurité des soins. Cela demande du temps : il faut apprendre progressivement à ceux qui ont fait de la régulation financière pendant vingt ans à voir l'hôpital autrement. J'ai commencé cette transformation et je suis certaine qu'aucun des ministres qui m'ont succédé ne pense vraiment que l'on doit faire des économies à l'hôpital.

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