L'idée selon laquelle il faudrait, par principe autant que par nécessité, diminuer la dette et le déficit n'est pas une vérité économique. À titre d'exemple, les États-Unis n'ont pas pour objectif de faire baisser leur dette mais, avant tout, d'augmenter la croissance. Au-delà des différences opposant ce pays à l'Union européenne, cela montre que d'autres politiques économiques sont possibles. On s'alarme d'ailleurs, aujourd'hui, du possible décrochage de la croissance de l'Union européenne par rapport aux États-Unis.
Il faut se garder des comparaisons. Le PIB de la Grèce correspondant peu ou prou à celui de la région Île-de-France, il est évident que l'État grec n'avait pas les mêmes capacités de remboursement de la dette qu'un pays comme la France, qui demeure une puissance économique et financière stable.
Un certain nombre de collègues dénoncent le fait que la charge de la dette va devenir le premier poste budgétaire de l'État, laissant entendre que cet argent serait jeté par les fenêtres. Or, la charge de la dette sert à rembourser un déficit, qui a une utilité. En 2023, le déficit a permis d'assurer un certain niveau de protection sociale, ce qui s'est traduit par une stabilisation de la consommation populaire. À la suite de la crise des subprimes, la France a été l'un des seuls pays en Europe à ne pas entrer en récession. Le marché privé était déprimé, mais l'économie a été soutenue par les dépenses publiques. On oublie de dire que ces dernières constituent aussi des recettes. L'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estime d'ailleurs que les baisses de dépenses publiques prévues pour 2024 vont nous coûter 0,2 point de croissance. En 2023, M. Bruno Le Maire s'était félicité du fait que la croissance française se soit maintenue – ce qui n'a pas été le cas, par exemple, en Allemagne. Or, cela s'expliquait par la résistance de la consommation populaire.
Il ne faut pas se contenter de regarder les chiffres des déficits : il faut s'intéresser à tous les indicateurs économiques. Par exemple, actuellement, la France s'en sort plutôt mieux que l'Allemagne sur le terrain de la croissance.
Notre déficit ne m'alarme donc pas. La question, encore une fois, est de savoir à quoi il sert.